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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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compagne pour savoir que quelque
chose l’avait blessée. Blanche ressortit de la chambre sans dire un mot aussitôt
après avoir suspendu les uniformes. Germaine l’attendait, impatiemment. Elle
avait posé l’uniforme sur la planche et s’était efforcée, à ce que remarqua
Blanche, de le froisser le plus possible.
    – Quand on fait sécher un uniforme, on le
fait sécher sur un cintre. C’est sur un cintre que je veux le recevoir.
    Germaine haussa les épaules dédaigneusement et
sortit sa lime à ongles. Blanche la regarda, sourit de son sourire qu’elle
savait candide – on le lui avait assez répété – et sortit de la pièce. Germaine
courut derrière elle.
    – Qu’est-ce que tu fais ?
    – J’ai dit que je voulais recevoir les
uniformes sur des cintres.
    Germaine retourna à la hâte dans le lavoir et s’empressa de suspendre son uniforme.
Blanche la regarda faire. Germaine lui lança presque le dollar exigé.
    – Je veux qu’une affaire soit claire,
Germaine. Je fais pas ça pour toi. Surtout pas pour te rendre service. Je fais
ça pour moi. Juste pour moi. Ça fait que tes airs de princesse, garde-les pour
le monde de ta cour.
    Elle plia le billet et le mit dans sa poche.
Germaine s’installa à ses côtés, estomaquée par la crudité insoupçonnée du ton
de Blanche.
    – Une autre affaire, Germaine. J’aime pas
qu’on me regarde travailler. Tu viendras le chercher quand j’aurai fini.
    La main de Germaine s’immobilisa, la lime
pointée en l’air. Depuis trois mois que Blanche essayait d’ignorer le mépris
dont Germaine l’entourait, elle venait de décider de laisser libre cours à sa
rancœur. Germaine avait toujours la main levée et Blanche l’imita, lentement,
tenant dans la sienne le fer à repasser.
    Germaine sortit. Blanche baissa son bras,
déposa le fer, prit l’uniforme et l’empala sur la planche tellement violemment
qu’elle craignit, quelques secondes, en avoir rompu les coutures.
    Elle revint à sa chambre au moment où
Marie-Louise s’apprêtait à enfiler une résille sur les bigoudis dont elle
venait de s’orner la tête.
    – J’vas aller prendre un bain.
    Elle prit ses effets sous le regard perçant de
son amie.
    – Veux-tu me dire ? Tu as une tête
d’enterrement. Est-ce que c’est la journée de demain qui t’énerve comme
ça ?
    Blanche ne répondit pas, refoulant les larmes
qu’elle sentait prêtes à inonder ses joues.
    – Tu as pris ton bain à matin, Blanche.
Tu te rappelles pas ? Tu t’es levée une demi-heure avant moi pour ça.
    Blanche déposa sa serviette sur son lit et
regarda Marie-Louise. Un instant, elle pensa lui montrer le billet qu’elle
avait plié dans sa poche. Mais elle changea d’idée, ramassa sa serviette et
quitta la chambre pour aller à la salle de bains.
    Elle fit couler l’eau, agitant sous le robinet
une main qu’elle ouvrait et refermait sans arrêt. Tantôt sa main avait l’air de
l’implorer, tantôt elle la menaçait de son poing. Blanche laissa enfin les
larmes quitter ses yeux et couler sur ses joues, franchissant des cernes
maintenant plus profonds et plus sombres que jamais.
    Elle s’immergea en pensant au bain que
Marie-Ange lui avait fait prendre. Elle voulait retrouver cette paix qu’elle
avait alors eue. Mais quelqu’un entra dans la salle de bains et fit couler
l’eau dans la cabine voisine. Elle fit taire ses sanglots déjà trop silencieux
et, pour cacher son silence, chantonna innocemment un air sans harmonie et sans
paroles. Elle se leva et se sécha. Elle venait de prendre conscience que pendant
les trois prochaines années elle serait privée de cette solitude qu’elle aimait
tant et dont elle avait besoin.

3 4
     
    – Un petit sourire, mademoiselle. C’est
ça…
    L’éclat éblouissant fit grimacer Blanche.
    – S’il vous plaît, gardez la pose. C’est
la quatrième fois qu’on recommence. Vous savez que ça aveugle. Faites pas la
surprise à chaque fois.
    Blanche replaça sa coiffe, sourit avec
découragement à Marie-Louise et se réinstalla, la tête offrant un quart de
profil à l’objectif.
    – C’est bien ! C’est très bien. À
c’t’heure, souriez.
    – Je pense que je fais des meilleures
photos quand je souris pas.
    – Souriez pas, d’abord. Mais gardez vos
yeux ouverts !
    L’éclair transperça les yeux bleus et fragiles
de Blanche, mais cette fois elle ne cilla pas. Pour empêcher ses paupières de
battre, elle avait pensé à Germaine

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