Le cri de l'oie blanche
pour être « O. K. » au
lieu d’être d’accord.
– Je pense que le mot « O. K. »
m’agace. Mais avant ça, je me demandais si, toi pis moi, on pourrait acheter
quatre paires de patins. Des cinq, des six, des sept pis des huit.
– Pour quoi faire ?
– Pour les louer !
– Es-tu malade ? Les louer ? Ma
foi du bon Dieu, peut-être que tu devrais avoir un commerce au lieu d’être à
l’hôpital. On dirait que tu penses rien qu’à l’argent. Nous verrais-tu, toi,
commencer à écrire sur des feuilles le nom des filles qui veulent louer des
patins ? Pire, commencer à frapper aux portes pis demander de nous
payer ! On aurait l’air de quoi ?
Blanche s’assombrit. Elle trouvait que son
idée était bonne. Elle avait déjà toute une comptabilité pour son repassage.
Elle n’aurait eu qu’à la reproduire pour les patins. La remarque de
Marie-Louise la blessa.
– Mais, Blanche, si on demandait à
Germaine Larivière de demander à sa mère de demander aux dames patronnesses d’acheter
des patins, on pourrait peut-être en avoir, non ?
– À bien y penser, j’ai toujours haï
patiner.
Le temps des fêtes arriva, coincé entre les
tempêtes et la tristesse des patients qui savaient qu’ils ne seraient pas dans
leurs familles pour les réjouissances. Chaque étage, chaque service de
l’hôpital avait beau être décoré d’une crèche et de feuilles de houx, les
patients étaient plus fiévreux, moins en forme, ils manquaient d’appétit et
manifestaient une irritabilité non coutumière. Blanche et Marie-Louise se
portèrent volontaires pour travailler durant la nuit et le jour de Noël. La
sœur hospitalière les écouta en secouant la tête, comme si elle essayait de
chasser une mouche encombrante.
– C’est généreux de votre part, mais
jamais, jamais nous ne permettrons que le personnel infirmier travaille seize
heures d’affilée. C’est trop long.
– Oui, mais nous autres, on touche pas
encore vraiment aux patients. Sauf pour les pansements. On est capables.
– Je n’en doute pas. Mais si par hasard
vous vous endormez au poste d’observation, vous savez les conséquences que ça
peut avoir sur vos résultats ? L’hospitalière de garde va être obligée de
le signaler.
Blanche et Marie-Louise avaient donc demandé
de travailler de jour. Cette requête fut accueillie favorablement.
La veille de Noël, elles prirent plus de temps
à se pomponner, mettant plus de bigoudis et de pinces dans leurs cheveux.
Blanche se regardait dans le miroir, la mine désolée.
– Dans le fond, Marie-Louise, on a l’air
d’être généreuses. Mais moi, personnellement, si je travaillais pas, je
passerais probablement ma journée à m’ennuyer de la maison.
– Moi aussi. Mais pourquoi pâtir de
ça ? De toute façon, on pouvait pas aller à la maison. J’aime autant me
dire que demain j’vas peut-être empêcher quelqu’un d’être trop triste. Mais
toi, Blanche, tu aurais pu aller chez ta sœur.
– Je sais. J’avais pas envie d’y aller.
Marie-Louise n’ajouta rien. Quelques heures
plus tard, en passant dans un couloir, elle fit mine de ne pas entendre la
conversation que Blanche tenait à sa sœur au téléphone. Blanche disait que le hasard
l’avait choisie pour être de garde le jour de Noël et qu’elle n’avait pu
refuser. Elle priait sa sœur d’embrasser tout le monde. Elle ajouta qu’elle
avait un cadeau pour Aline et qu’elle irait le porter avant le jour de l’ An , si possible, parce que, non, elle ne serait pas
là au jour de l’ An non plus, étant aussi de
service.
Elles travaillèrent ensemble, sur le même
étage, fredonnant des airs de Noël, entrant dans les chambres en riant,
frottant les dos endoloris plus longuement que
d’habitude, faisant des efforts spéciaux pour servir des portions plus
généreuses au repas du midi. Elles invitèrent à se lever tous les patients
capables de le faire et les rassemblèrent dans le solarium, devant la crèche.
Marie-Louise les fit chanter pendant que Blanche se promenait de chambre en
chambre pour ouvrir les portes afin que les autres malades puissent entendre le
chant. Elles travaillèrent ainsi jusqu’à l’heure du souper. Éreintées, elles
montèrent enfin à leur chambre pour faire un brin de toilette et changer
d’uniforme avant de se rendre à la salle à manger. Blanche aperçut un message
glissé sous la porte. Elle vit qu’il lui était adressé. Marie-Louise
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