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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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fronça les
sourcils.
    – Faut que j’appelle ma sœur.
    Marie-Louise réprima un sourire en regardant
Blanche sortir de la chambre précipitamment et y revenir quelques minutes plus
tard, la mine réjouie.
    – Ma sœur a pas pu faire de réveillon.
Tout a été remis à ce soir. Ils nous attendent.
    – Nous ?
    – Oui. Toi pis moi ! Vite, faut
qu’on se dépêche si on veut être rentrées pour neuf heures.
    – Mais ce soir on a la permission de
rentrer pour dix heures.
    – C’est vrai. Vite pareil. On n’a pas de
temps à perdre si on veut pas manger froid.
    Marie-Louise s’excita. Elle avait téléphoné à
Marie-Ange pour lui dire que Blanche avait menti. Elle ne s’était pas invitée
mais elle savait que Blanche avait dû insister pour l’emmener. Elle en fut attendrie.
    Elles montèrent en riant dans l’automobile de
Georges. Les roues arrière se coincèrent dans la neige lourde fraîchement
tombée. Blanche et Marie-Louise sortirent toutes les deux et poussèrent la
voiture au coin des rues Sherbrooke et Papineau. Leurs manteaux étaient maculés
de boue.
    – Ouach ! On a l’air de deux souill onnes.
    Marie-Louise avait parlé à une Blanche pliée
en deux devant les tache s de gadoue qui
ombrageaient les tache s de rousseur du visage
de Marie-Louise.
    – C’est pas grave. Demain, je devrais
avoir le temps de tout nettoyer.
    – Merci quand même. À te regarder aller,
on dirait que tu as décidé d’apprendre tous les métiers de front. Garde-malade,
femme de ménage pis propriétaire d’une buanderie. Si tu as pas d’objection,
j’vas nettoyer mon manteau moi-même.
    Marie-Louise avait parlé à travers son
essoufflement, ne regardant pas Blanche qui avait pâli et qui se demandait si
Marie-Louise l’avait taquinée sans arrière-pensée ou si elle avait fait
allusion à son « passe-temps » des jours de congé.
    – Pousse donc, Blanche, au lieu de me
regarder comme si je venais de descendre de l’étoile de Bethléem. À cette
vitesse-là, on va juste avoir le temps de descendre la côte pis de la remonter
avant le couvre-feu.
    Marie-Ange les attendait et les salua
sèchement. Blanche regarda Georges, les sourcils en points d’interrogation, et
Georges désigna Paul qui était assis dans le salon, Aline sur les genoux.
Blanche enleva son manteau et invita Marie-Louise à l’imiter.
    – Viens, j’vas te présenter.
    Marie-Louise entra derrière elle, se figeant
devant le col romain et la soutane de Paul. Elle chuchota à l’oreille de
Blanche :
    – Tu m’avais dit que ton frère était
séminariste. Comment ça se fait qu’une fille a toujours l’impression qu’un
séminariste ça a les cheveux gras pis la peau pleine de boutons ? Tu
aurais dû m’avertir que ton frère était beau comme un dieu.
    Marie-Louise tendit la main à Rose, à Sarah
Leblanc et à son fiancé, à l’oncle Ovide qui toussotait pour montrer son
appréciation, et donna une pièce de vingt-cinq cents à Aline. Blanche sentit
l’air s’épaissir autour d’elles. Elle retourna à la cuisine pour offrir son
aide à Marie-Ange, qui avait une larme de coincée dans le coin de l’œil droit.
    – Qu’est-ce qui se passe ici ? J’ai
jamais vu autant de faces longues.
    – C’est à cause de Paul.
    – Paul ?
    – C’est son dernier Noël en soutane.
    Blanche prit trois bonnes rasades d’air avant
de pouvoir parler.
    – Ça se peut pas. Paul a la vocation
depuis toujours.
    – C’est pas l’avis du médecin des oblats.
Ça a l’air que pour avoir la vocation, il faut avoir la santé. C’est pas pour
rien que Paul a changé de séminaire. Il nous l’a jamais dit mais il a été
obligé de le faire.
    – Est-ce que moman le sait ?
    – Paul lui a écrit. Pauvre moman.
    Blanche n’était pas de l’avis de sa sœur.
D’après elle, la tristesse de sa mère serait davantage liée à la déception de
son fils qu’à la sienne. Elle ne serait pas chagrinée d’être privée d’un fils
prêtre, Blanche le savait, ayant toujours trouvé cette situation plutôt
amusante.
    – Pis Paul ? Comment est-ce qu’il
prend ça ?
    – Assez mal. Il nous a même dit que la
religion protestante était mieux faite parce qu’elle acceptait les
missionnaires laïques.
    – Paul a dit ça ?
    – Oui. Faut qu’il soit déprimé,
hein ?
    Devant la peine de sa sœur, Blanche fut
presque honteuse de ne pas en ressentir une aussi violente. Paul avait le
maximum

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