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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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avait
quelque chose qu’elle ne comprenait pas.
    – Penses-y. Mais, à mon avis, ça serait
bien que tu passes l’examen. C’est plus facile de refuser que d’arriver trop
tard.
    – C’ est ce que j’vas faire, d’abord.
    – Vous déménagez au mois de juin ?
    – Tu veux rire ! Moman fait déjà les
boîtes. Elle doit prendre sa classe le 1 er mai.
    – Mais ça donne même pas une
semaine !
    – C’ est ce que je te dis ! Je comprends pas ce qui presse tant.
    Blanche s’empressa de fermer la porte de sa
chambre. Il lui fallait penser. Elle tourna en rond et, encore une fois, prit
conscience qu’elle était incapable de penser en ne faisant rien. Elle alla au lavoir repasser les uniformes qui l’attendaient. À
chaque coup de fer, une question sans réponse surgissait dans son esprit. Si
seulement elle avait pu aller à Saint-Tite entendre sa mère lui expliquer sa
décision. Elle porta les uniformes dans les chambres de ses compagnes et revint
à la sienne pour rejoindre Marie-Louise.
    Marie-Louise n’y était pas. Blanche regarda
l’heure et fronça les sourcils. Il était convenu qu’elles se rencontraient
toujours à leur chambre avant le souper. Elle l’attendit. L’heure du souper
était passée depuis dix minutes quand elle décida de descendre seule à la salle
à manger. Marie-Louise n’était pas à leur table. Blanche ne s’en inquiéta pas,
pensant que Marie-Louise avait probablement profité de son après-midi de congé
pour se payer un petit souper au restaurant. Après le repas, Blanche monta à la
salle de cours, certaine que Marie-Louise y serait, l’attendant pour lui
raconter le menu du délicieux repas qu’elle avait pris. Le professeur s’étonna
de l’absence de Marie-Louise, d’autant plus que Blanche ne pouvait fournir
d’explication. Blanche essaya de se concentrer sur la matière mais ne retint
rien.
    Aussitôt le cours terminé, elle monta à sa
chambre. Marie-Louise devait avoir fait une indigestion ou être indisposée. La
chambre était vide. Elle refusa de s’inquiéter davantage et alla faire ses quotidiennes
visites aux patients délaissés. Elle revint à sa chambre et aperçut de la
lumière sous la porte. Elle soupira en se promettant avec amusement d’enseigner
à son amie les rudiments de la politesse. Elle ouvrit la porte en riant presque
du sermon qu’elle lui servirait et se heurta à la sœur hospitalière en chef,
qui était assise bien droite sur leur chaise, un chapelet à la main.
    – On vous cherche depuis deux heures. Où
étiez-vous passée ?
    Blanche avait pâli. La sœur hospitalière en
chef ne se déplaçait que pour les extrêmes urgences. Marie-Louise avait
certainement désobéi à un des importants règlements pour mériter tant
d’attention.
    – Voir les malades qui ont jamais de
visite.
    Elle avait parlé d’un ton éteint, les mots
étouffés dans sa gorge trop étroite.
    – Je ne sais comment vous annoncer ce que
j’ai à dire, mais je pense que la meilleure façon est de vous dire la vérité.
Votre amie, en ce moment, est à la salle d’opération. Les médecins tentent de
lui sauver la vie.
    – Sauver la vie ?
    Maintenant elle s’était assise, résistant à
l’envie de fausser compagnie à l’hospitalière en chef pour courir à la salle
d’opération.
    – Elle a eu un accident. Un grave
accident.
    Blanche voyait que l’hospitalière avait autant
de difficulté à dire cette vérité promise qu’elle-même à l’entendre.
    – Un tramway. Elle est tombée devant un
tramway et a eu les jambes sectionnées.
    – Arrachées ? Complètement ?
    La religieuse hocha la tête.
    – Nous faisons l’impossible pour enrayer
l’hémorragie.
    Blanche avait à peine entendu la dernière
phrase. Elle courait déjà à corps perdu dans les couloirs et martelait du poing
le bouton d’appel de l’ascenseur. Elle n’attendit pas dix secondes et descendit
l’escalier, se tenant fermement à la rampe pour éviter de trébucher lorsqu’elle
enjambait trois marches à la fois.
    Elle arriva à la salle d’opération et s’assit
devant la porte. Elle patienta ainsi pendant deux heures, sans prendre
conscience que l’hospitalière en chef et le chapelain de l’hôpital se tenaient
à ses côtés ; sans voir ses compagnes qui la regardaient, la mine presque
aussi déconfite que la sienne ; sans entendre les mots d’encouragement que
le chapelain disait à voix basse.
    La porte claqua bruyamment,

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