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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ouverte par la
civière. Blanche bondit sur ses pieds et se précipita vers la tête jaunâtre qui
reposait sur un oreiller d’un blanc immaculé. Le chirurgien suivit, enlevant
son masque et faisant des signes à l’hospitalière. Blanche ne vit pas que du regard
il disait avoir tout essayé, sans grand espoir. Blanche était accrochée à la
civière, tentant malhabilement de repousser les cheveux qui adhéraient au front
mouillé de Marie-Louise, toujours inconsciente. Elle suivit la civière jusqu’à
une salle publique.
    – Vous allez pas la mettre ici ?
    Elle avait presque crié sa question.
L’infirmière qui poussait la civière s’arrêta, saisie.
    – Où est-ce que tu veux que je la mette,
Blanche ?
    – Dans une chambre privée. C’est moi qui
paie.
    – Je sais pas si on en a de libre. On en
a juste quatre-vingt-huit dans l’hôpital.
    – Trouves-en une.
    En attendant le retour de l’infirmière,
Blanche assista, passive, aux soins postopératoires que Marie-Louise recevait.
Elle se contentait de lui humecter le front, évitant de regarder le corps de
son amie plus bas que la taille. Marie-Louise fut finalement transférée dans
une chambre et Blanche s’installa dans le fauteuil de cuir, les jambes
allongées sur le repose-pied. Elle n’avait plus conscience du va-et-vient incessant.
Elle regardait ses jambes, presque honteuse de les trouver aussi roses de
santé. Elle commanda à ses orteils de bouger et ils répondirent aussitôt. Elle
se leva pour voir Marie-Louise qui, lui sembla-t-il, émergeait de son lourd
sommeil. Marie-Louise, sous l’œil attentif de deux médecins, gisait dans le
lit, l’esprit nulle part. Déçue, Blanche se rassit en se lovant dans le
fauteuil.
    Elle ne remarqua pas les premières lueurs du
jour. Elle ne voyait que la pâleur de Marie-Louise. Les médecins et les
infirmières, qui vérifiaient ses fonctions vitales à toutes les dix minutes,
hochaient tous discrètement la tête. Ils venaient encore d’entrer, s’excusant
presque d’empêcher Blanche de voir son amie.
    – Hémorragie !
    Le mot claqua comme un fouet. Blanche se
précipita à la tête du lit.
    – Accroche-toi, Marie-Louise.
Accroche-toi ! On a gagé ! On a des projets. Accroche-toi. On est des
amies, Marie-Louise. Tu peux pas faire ça. Écoute-moi, Marie-Louise : Paul
m’a dit que peut-être qu’il repenserait à tout ça. Je t’attendais pour te faire
le message. J’ai reçu un téléphone aujourd’hui. De Jeanne. Paul est parti en
Abitibi. Avec un bel emploi. Accroche-toi, Marie-Louise. Peut-être que maintenant
que Paul a un bon emploi, il va te faire venir.
    Blanche parlait à l’oreille de son amie,
mentant pour essayer d’allumer un peu de vie dans ce corps qui en était de plus
en plus dépourvu. À travers ses larmes, elle entendit le mot
« transfusion ».
    – Blanche, il va falloir qu’on lui fasse
une transfusion. C’est la dernière chance qu’on a.
    Blanche voulut hurler. Elle savait qu’il
s’effectuait à l’hôpital une trentaine de transfusions sanguines annuellement
et que le quart des patients en mouraient. C’était une solution extrême.
    – Non ! C’est trop risqué !
    – C’est fini, Blanche. Si on n’essaie pas
une transfusion, Marie-Louise vivra pas quinze minutes.
    Blanche laissa tomber sa tête en bataille sur
l’oreiller à côté de la tête de son amie.
    – Allez chercher une civière ! Allez
chercher une civière, s’il vous plaît.
    Blanche pleurait en faisant sa demande. Les
médecins comprirent. La civière fut apportée rapidement et Blanche s’y étendit,
essayant nerveusement de déboutonner le poignet de son uniforme. Trop agitée,
elle arracha les boutons. Elle retroussa sa manche gauche, tentant ensuite,
difficilement, de tenir la main de Marie-Louise de sa main droite. Elle ne
sentit pas l’aiguille lui entrer dans la peau. Elle regardait le visage de son
amie, espérant, dans quelques minutes, y voir apparaître des tache s de rousseur. Le sang, détourné, passa dans un
long tube et pénétra enfin dans le corps de son amie. Blanche lui parlait
maintenant en silence.
    « Accroche-toi, Marie-Louise. Dans un
mois, on a une soirée au Ritz. Tu le sais ! On a été choisies. Toi pis
moi, on va faire tourner la tête de tous les invités des dames patronnesses. On
va rire, Marie-Louise, parce que tu vas sûrement faire une gaffe. Je le sais.
Tu vas bourdonner autour du plus bel homme pour t’apercevoir

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