Le cri de l'oie blanche
soir ?
– Non, rien, Blanche. Pas même une femme
dans la salle de travail. Ce soir, on donne les biberons, on fait le souper, on
ramasse les plateaux, on prend les signes vitaux, on regarde les visiteurs pis
on bâille. La dernière naissance a eu lieu il y a vingt-quatre heures.
Blanche éclata de rire. Enfin une soirée
tranquille en perspective. Chaque fois qu’elle était de garde, Blanche allait
visiter les patients, simplement pour se présenter et les rassurer quant à la
surveillance de l’étage. Elle commença donc ainsi son travail.
– Je trouve que la patiente du lit de la
fenêtre de la deuxième chambre a les yeux un peu trop brillants. As-tu son
dossier ?
L’infirmière lui remit le dossier demandé.
Blanche vérifia toutes les données. La patiente ne faisait aucune fièvre deux
heures plus tôt. Blanche haussa les épaules mais décida de ne prendre aucun risque.
– Ça te dérangerait pas si j’allais
prendre sa température ?
– Pourquoi est-ce que ça me
dérangerait ? Tout de suite ou plus tard, ça fait pas vraiment de différence.
Blanche retourna au chevet de la jeune mère de
vingt ans et lui sourit en la priant d’ouvrir la bouche. La patiente obéit
docilement. Blanche prit son pouls et le trouva rapide. Elle lut le thermomètre
et vit que le mercure marquait presque cent trois. Pour ne pas inquiéter la
patiente, elle recommença son examen avec l’autre patiente de la chambre. Elle
retourna au poste d’observation et regarda l’heure de nouveau. Elle prit le
téléphone et demanda à la téléphoniste de la mettre en contact avec le médecin
de garde.
– Garde Pronovost en obstétrique,
docteur.
Blanche expliqua les raisons de son appel. Le
médecin promit de venir aussitôt qu’il serait libéré d’une urgence. Blanche
raccrocha et retourna voir sa patiente. La jeune femme s’était assoupie. Blanche
lui toucha le front et fronça les sourcils.
Le médecin arriva au moment même où la compagne
de chambre de la jeune femme allumait le voyant lumineux pour demander de
l’aide. Blanche et le médecin se précipitèrent.
– Je sais pas ce qu’elle a, mais elle
gémit comme du vent.
Blanche s’empara du poignet de la jeune femme,
qui se nommait Adélaïde, et lui mit un thermomètre dans la bouche. Le médecin,
lui, l’auscultait.
– Signes vitaux ?
– Pouls, cent vingt. Température, près de
cent quatre.
Le médecin enleva le stéthoscope de ses
oreilles et grimaça.
– On dirait qu’une infection s’est
déclarée. Mais le cœur frappe bien. Quant à la température, essayez de la faire
baisser en donnant de la quinine et en couvrant bien la malade. Évitez aussi
les courants d’air.
Blanche obéit aux instructions. Elle n’apporta
cependant qu’une couverture supplémentaire qu’elle replia à la taille.
– Qu’est-ce que tu fais là,
Blanche ? Le docteur a dit de la couvrir.
– Je sais. C’ est
ce que j’ai fait.
Blanche se tourna vers l’autre patiente et lui
demanda si elle attendait des visiteurs. La dame acquiesçant, Blanche lui proposa
de la conduire au solarium.
– Le calme va aider Adélaïde,
précisa-t-elle en affichant un sourire rassurant.
L’autre dame mit ses pantoufles et sortit de
la chambre. Blanche ouvrit la fenêtre.
Blanche devait quitter son service quarante
minutes plus tard lorsque Adélaïde fit une autre poussée de fièvre. Blanche
rappela le médecin.
– Vous lui avez donné de la
quinine ?
– Oui, docteur. La dose prescrite.
– La fièvre a pas baissé ?
– Non, docteur. Maintenant, elle fait
presque cent cinq.
Le médecin avait la voix hésitante.
– Ajoutez d’autres couvertures. Il faut
absolument enrayer la fièvre. Cent cinq, vous dites ?
– Oui, docteur. Mais si vous me
permettez, j’aurais peut-être un moyen de faire baisser la fièvre.
Blanche raconta rapidement la méthode utilisée
par le docteur Francœur pour sauver son frère Clément.
– C’est de la médecine de campagne !
Couvrez-la. Donnez-lui encore de la quinine. Doublez la dose.
La fièvre d’Adélaïde augmenta encore un peu.
Les infirmières de nuit, affolées, tentèrent de joindre le médecin. Blanche,
qui avait refusé de quitter le chevet de la patiente, l’attendit en faisant
presque les cent pas. Elle reconnaissait sur le visage d’Adélaïde les mêmes
effets ravageurs qu’elle avait vus sur celui de Clément. Elle ferma le rideau de
la cellule de l’autre
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