Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
domestique lui ouvrit, rapidement
renvoyée à ses locaux par la maîtresse des lieux.
    – Vous êtes la garde-malade ?
    Blanche n’eut pas le temps de répondre. La
dame qui se tenait devant elle n’attendait apparemment pas ses réponses.
    – Mon père est très malade et d’après le
médecin n’aurait que quelques jours devant lui.
    Pensant à haute voix, elle enchaîna :
    – C’est dommage. Nous avons expédié une
centaine d’invitations pour le soir de Noël.
    Blanche la suivit dans l’escalier sculpté dès
que la domestique, réapparue elle ne sut d’où, l’eut débarrassée de son
manteau.
    – Nous avons pensé qu’il serait bien inhumain
de le laisser à l’hôpital durant le temps des fêtes. Le docteur Beaudry vous a
chaudement recommandée. Nous nous attendons à ce que vous ne quittiez pas le
chevet de mon père d’ici la fin.
    Blanche voulut répondre qu’elle ne pouvait
assurer seule un service de vingt-quatre heures par jour, mais la dame entra
dans une pièce et s’empressa d’en allumer toutes les lampes.
    Vous pourr ez vous installer ici. Mon père est dans la chambre voisine. Comme elle est communicante,
vous pourrez être à ses côtés même pendant la nuit. Mon mari et moi venons le
visiter trois fois par jour. Pour lui tenir la main. C’ est
ce que le médecin nous a dit qu’il y avait de mieux à faire.
    La dame ouvrit la porte et Blanche aperçut le
malade, émacié et verdâtre. Un cancer, pensa-t-elle. Elle se dirigea vers le
patient et voulut se présenter, mais la dame ne lui en laissa pas le temps,
recommençant à papoter, négligeant le besoin de calme de son père et parlant de
lui comme s’il n’existait plus. Blanche en fut horrifiée.
    – Nous nous occupons du soutien moral,
comme je viens de vous le dire. Vous ferez le reste. Vous le nourrirez s’il
peut manger. J’en suis incapable. Il s’étouffe trop souvent et cela me donne la
nausée. Vous le laverez et vous changerez son pyjama. Je ne suis pas assez
habile pour le faire.
    La dame s’approcha enfin du lit et ajouta un
oreiller, sans prendre la peine de bien l’installer. Le vieillard émit un
gargouillis et Blanche sut qu’il avait de la difficulté à respirer à cause de
l’oreiller supplémentaire. La dame enleva l’oreiller.
    – J’ai horreur de ce son-là. J’ai
toujours l’impression qu’il est en train de mourir.
    Blanche déglutit et se demanda si le pauvre
homme avait toute sa conscience. Elle le crut, voyant qu’il suivait des yeux
tout ce qui se passait dans la chambre.
    – Je vais vous montrer votre salle de
bains et la lingerie. Vous pouvez, évidemment, prendre autant de bains que vous
le souhaitez. C’est aussi dans la lingerie que vous trouverez les draps
nécessaires pour votre lit et celui de mon père.
    La dame s’interrompit deux secondes, le temps
de reprendre son souffle et de réfléchir.
    – Non. La domestique s’occupera de votre
lit. Contentez-vous de changer celui de mon père.
    Blanche sentait ses joues s’empourprer. Elle
revint près du malade et commença à lui parler doucement, en lui plaçant sous
la tête l’oreiller abandonné au pied du lit.
    – Ça va vous faire du bien. On respire
mieux la tête élevée.
    Elle se demanda si elle avait rêvé ou si le
vieillard lui avait bel et bien souri.
    – Nous vous paierons soixante dollars par
semaine, jusqu’à la fin. Je crois que c’est plus que ce que vous avez à
l’hôpital pour le service aux chambres privées.
    – Oui, mais si je dois rester ici, j’vas
vous demander de me payer à l’heure.
    – À l’heure ?
    – Je sais que c’est pas coutumier.
    Blanche regarda le patient et demanda à la
dame de sortir de la chambre pour discuter.
    – Faudrait pas vous formaliser pour lui.
Toute sa vie il n’a parlé que d’argent. Si par hasard il nous entend, je suis
certaine que ça va lui faire du bien.
    Blanche perçut à la fois de la haine et de la
tendresse dans ce que venait de lui dire la dame. Elle alla donc se placer à la
tête du lit pour être certaine d’être bien entendue.
    – Vous voyez, madame, pendant que je suis
ici, je suis forcée de négliger d’autres patients réguliers et de demander à
des collègues de les visiter à ma place. Je dois aussi payer mon loyer. J’avais
prévu d’aller dans ma famille pour les fêtes…
    – Vous avez une famille ?
    Blanche demeura bouche bée. La stupidité de la
remarque la laissa sans

Weitere Kostenlose Bücher