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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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chevet.
    – Tu as jamais pensé à faire ta
médecine ?
    Le regard de Blanche se durcit.
    – Pourquoi est-ce que tu demandes
ça ?
    – Parce que je te vois aller depuis pas
mal de temps. Je pense que tu ferais un bon médecin.
    – Correction : j’aurais fait…
    – Tu peux toujours !
    – Tu veux rire ! J’ai eu vingt-cinq
ans. Pis à part ça, j’ai pas mon bac ès sciences.
    – Ça pourrait s’arranger.
    Blanche voulait mettre fin à cette
conversation, regrettant toujours d’avoir été condamnée à jouer les seconds
violons.
    – On m’a refusée.
    Pierre lut sa déception et parla d ’autre chose, évitant même les sujets se
rapportant à l’hôpital. Ils discutèrent de musique et de théâtre et Blanche
sourit de l’entendre vanter le blues e t La Nouvelle-Orléans, comme Napoléon l’avait déjà fait. Cette fois, par contre,
elle put émettre une opinion. Pierre regarda l’heure et bondit sur ses pieds.
Blanche demeura assise à siroter son café, heureuse de ne plus avoir de comptes
à rendre.
    Elle marcha jusqu’à l’hôpital, monta à sa
chambre après être passée par la cuisine générale pour demander qu’on lui donne
quelques boîtes afin qu’elle puisse préparer son déménagement.

4 1
     
    M me  Desautels frappa
discrètement à la porte. Blanche ouvrit un œil, se demandant pourquoi, encore
une fois, on la basculait dans la réalité alors qu’elle vivait un rêve
agréable. Quelques secondes plus tôt, elle regardait Napoléon ramer sur un lac
de satin vert, Marie-Louise assise à côté d’elle. Pierre Beaudry, avec un
visage aux traits déformés le faisant ressembler à Paul, tenait l’épaule de
Marie-Louise qui souriait de voir Blanche et Napoléon en ronronnant comme une
chatte sous le regard de Pierre.
    – Téléphone pour vous, Blanche.
    – Merci.
    Depuis qu’elle avait officiellement quitté
l’hôpital, Blanche y allait tous les jours. Sa réputation d’infirmière n’étant
plus à faire, il était arrivé, à quelques reprises, que des médecins lui
demandent son avis avant de poser un diagnostic. Elle avait tellement de
demandes qu’elle avait déjà dû refuser des malades. En six mois, elle avait
réussi à faire plus d’argent qu’elle n’en avait fait durant ses trois années
d’études, excluant évidemment les suppléments.
    – Blanche Pronovost à l’appareil.
    Blanche jubilait. Elle devait se rendre au
chemin de la Côte-Sainte-Catherine. C’était dans une de ces maisons, elle le
savait, qu’elle rencontrerait ces gens qu’elle voyait au Ritz. Le tramway fit
entendre sa cloche et Blanche monta. Elle chercha une place des yeux et, fidèle
à ses habitudes, se dirigea vers celle qui était à côté d’une fenêtre. Elle s’y
assit en souriant du plaisir qu’elle aurait à regarder la vie autour d’elle. Le
tramway montait le chemin de la Côte-Sainte-Catherine péniblement, à ce qu’il
lui sembla. Presque craintive à l’idée que le véhicule pouvait reculer et
faucher un piéton, Blanche s’assit du bout des fesses ,
forçant imperceptiblement pour aider l’ascension du mastodonte. Voyant qu’enfin
la pente était moins abrupte, elle se détendit et regarda le spectacle des
maisons qu’elle apercevait, toutes enluminées des festivités du temps de Noël.
À sa gauche, des châteaux suspendus à la montagne, bien plus confortables que
les tristes crèches qu’ils devaient abriter sous leurs sapins. À sa droite,
d’autres domaines enrubannés de neige et de grelots décoratifs.
    Le cœur lui débattait. Elle jeta un coup d’œil
sur les indications qu’elle avait minutieusement écrites sur un bout de papier,
pour s’assurer qu’elle n’avait pas encore rejoint l’intersection à laquelle
elle devait descendre. Elle regarda de nouveau par la fenêtre et fut surprise
de découvrir un monde sans monde. Les rues étaient presque désertes et elle
n’avait aperçu que deux traîneaux d’enfant dans le parc qu’elle venait de
dépasser. Elle pensa que les habitants de ces maisons, de ce quartier, devaient
se terrer dans leur repaire, confortablement installés dans leurs fauteuils de
velours ou de cuir, les pieds allongés devant un feu de foyer. Elle essaya
d’imaginer l’intérieur d’une de ces maisons. Elle y plaça ce qu’elle avait vu
de plus beau chez Napoléon, Marie-Ange et Henri Douville.
    Blanche, essoufflée – elle avait compté cent
douze marches –, sonna à la porte. Une

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