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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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au
presbytère et remercier le curé Grenier. Il l’accueillit joyeusement, heureux
de partager avec elle tous les succès des enfants. Leur conversation fut
détendue et Émilie commençait à respirer plus librement maintenant qu’elle
avait chassé l’idée que quelqu’un quelque part lui faisait la charité, fût-il
curé, religieuse ou frère. Parce qu’elle avait l’intime certitude qu’elle
rembourserait jusqu’au dernier sou . Elle ne
devrait rien à personne.
    – J’ai vu vos enfants à la messe, Émilie.
Mais vous, où vous cachiez-vous ?
    Émilie le regarda puis sourit. Ainsi donc, il
en parlait. Elle avait toujours su que cette question lui brûlait les lèvres,
mais elle lui sut gré d’avoir d’abord parlé des bonnes nouvelles. Maintenant,
il se sentait forcé de faire son travail de pasteur.
    – À la maison, monsieur le curé. Vous
devez comprendre qu’il faut quelqu’un pour surveiller la maison.
    – Est-ce qu’il y a des voleurs de grand
chemin de ce temps-ci ?
    – Pas à ma connaissance, monsieur le
curé. Mais la prudence, vous savez…
    – Et l’autre prudence, Émilie…
    – Celle des indulgences ?
Voyez-vous, monsieur le curé, j’ai pour mon dire que notre ciel, on le gagne
sur terre. Personnellement, vous pourriez pas savoir combien trois heures de
tranquillité, le dimanche, toute seule avec Rolande, ça me fait du bien. Si je
veux être capable de faire ma semaine, faut que je me repose quelque part. Pis,
entre vous pis moi, monsieur le curé, vous savez que beaucoup de paroissiens
aiment pas entendre pleurer un enfant pendant la messe. Même vous, monsieur le
curé, ça vous fatigue un peu pendant le sermon, non ?
    Le curé regarda Émilie. Il la détestait
toujours, gentiment, lorsqu’elle lui faisait un reproche. Mais il était vrai
qu’il avait déjà relevé un sourcil d’impatience pendant un sermon qu’un enfant
ne semblait pas apprécier. Il regrettait simplement qu’Émilie ressemblât de
plus en plus à une brebis qui s’égare et il aurait voulu l’attirer au bercail.
Son absence était remarquée, mais il n’aurait jamais osé lui avouer que
lui-même avait dit exactement ce qu’elle venait de lui dire lorsqu’un
paroissien indiscret avait osé proférer une remarque désobligeante. Non,
jamais. Mais en Émilie il voyait poindre ce qu’on lui avait enseigné. La crise
de la foi. Il aurait voulu qu’elle trouve dans les odeurs d’encens quelque
réconfort à sa solitude. Émilie ne semblait pas partager son enthousiasme pour
les bienfaits de la purification. Il sourit intérieurement en pensant qu’elle
lavait assez de linge et d’ardoise pour se dispenser des quelques gouttes d’eau
bénite dont il pouvait l’asperger. Il ne craignait qu’une chose : le
crachat vénéneux des bigots. Il comprenait ce qu’elle essayait de lui dire.
Quel argument pouvait-il lui servir ? Lui dire que Dieu l’aimait parce
qu’il lui donnait beaucoup d’épreuves ? Elle aurait ri. Elle avait déjà
clairement exprimé son opinion là-dessus. Aujourd’hui, elle lui disait qu’elle bât issait son ciel sur terre. Et pourtant elle avait
déjà dit que l’enfer était sur terre. Bref, elle avait toujours une clef dans
la serrure de toute porte qu’il tentait d’ouvrir.
    Émilie essayait de suivre les pensées du curé,
fronçant les sourcils quand il le faisait, souriant quand il souriait, espérant
prévoir l’argument qu’il lui servirait. Elle s’amusait de la situation. Elle
trouva qu’elle et le curé Grenier faisaient une paire ressemblant fort à celle
formée de son père Caleb et d’Elzéar Veillette. Elle aimerait toujours le curé
Grenier, mais elle avait décidé de lui faire vivre les contradictions de son
enseignement. Et le curé le savait. Et elle savait qu’il s’en amusait. Il y
avait quelque chose de mystérieux dans cet homme. Le fait qu’il s’intéressât à
ses enfants comme s’ils avaient été les siens. Et le fait qu’il exerçât son
ministère comme un lion déchaîné. Il ne
s’était jamais contenté d’administrer les sacrements et de dire sa messe
quotidienne. Il écrivait des lettres pour les femmes dont les maris étaient aux
chantiers et souvent il devait leur lire les réponses reçues. Certains racontaient
que ces lettres n’étaient pas toujours aussi convenables qu’on l’aurait
souhaité, mais on disait que le curé les lisait sans sourciller et sans lever
les yeux, pour éviter à la

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