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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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sourire aux lèvres,
des refrains de Noël dans la tête. Son spectacle avait attiré presque autant de
parents que celui qu’elle avait fait durant sa première année d’enseignement.
Elle avait fermé l’école la veille, pour les trois semaines de vacances. Elle
avait fermé le 20 décembre. Aujourd’hui, elle attendait le retour des enfants
et elle savait qu’ils lui apporteraient tous un petit quelque chose. Quarante
ans. Elle avait quarante ans ! Elle grimaça, souffla sur la mèche de
cheveux qui lui obstruait la vue et se retourna pour regarder Rolande qui
fouillait dans une boîte. Rolande avait eu un an le 6 décembre, avait fait un Jésus fort agité
pendant le spectacle, et aujourd’hui Émilie se demandait pourquoi elle ne
marchait pas encore. Elle eut un pincement au cœur. Tous ses enfants, sauf
Rose, avaient marché tôt. Maintenant, elle essayait de se souvenir s’ils
avaient marché à onze, douze ou treize mois. Elle hocha la tête, prenant
conscience que le temps filait trop rapidement. Elle avait à peine quarante ans
que déjà elle avait oublié ces moments qui, lorsqu’elle les avait vécus, lui
avaient paru si importants. Quel âge avaient-ils lorsqu’ils avaient percé leur
première dent ? Tous les visages se confondaient dans ses souvenirs. Lequel
était né à l’heure du midi et lequel était né sur le coup de minuit ?
    Elle abaissa sa pâte et commença à la rouler.
Elle avait un peu de retard mais ses beignes seraient prêts. Paul dormait. Il
avait encore une légère fièvre. Mais tous deux, elle et lui, s’étaient habitués
à ces fièvres. Elle n’avait plus peur. Jeanne et Alice étaient dans leur
chambre, à chuchoter. Émilie les entendait très bien parler du cadeau qu’elles
lui préparaient : un collier de boutons. La discussion portait principalement
sur l’agencement des couleurs et des dimensions.
    Chaque fois qu’Émilie sautait d’une pensée à
une autre, elle faisait une pause et regardait par la fenêtre. Pas de carriole
en vue. Ovide devait accompagner les enfants, la voiture d’Edmond étant trop
petite pour contenir toute sa famille. Ce soir, elle fêterait. Pour la première
fois de sa vie, Ovila ne lui ferait pas de surprise. Pas de cadeau. Pas de
peaux de castor. Pas de hotte d’Amérindien. Pas de robe brodée de perle s. Elle s’assombrit et abaissa sa pâte. Maudit
Ovila ! Mais si elle le maudissait, c’était davantage parce qu’elle ne
cessait d’espérer son retour. Depuis le départ d’Ovila, son ventre de femme lui
jouait de vilains tours, l’obligeant souvent à utiliser des guenilles pendant
une bonne partie du mois. Elle s’était demandé si son ventre voulait lui faire
comprendre qu’il commençait à rejeter son nid ou s’il voulait lui dire que la
présence et la proximité de son homme lui manquaient. Elle chassa cette pensée
et s’en retourna à la fenêtre.
    Rolande fouillait toujours dans sa boîte. Elle
en sortit une vieille chaussure, la prit à deux mains et, fière de sa
trouvaille, se dirigea vers sa mère. Émilie lui fit un sourire distrait, la
remercia en prenant la chaussure et retourna à ses pensées. Elle devait passer
le réveillon du jour de l’ An chez les
Pronovost. Pour Noël, elle les avait avertis qu’elle préférait une fête intime
avec ses enfants. Sa belle-mère n’avait pas protesté. Émilie se souvint de ce
temps où, à pareille date, elle et Ovila se trouvaient probablement sous les
couvertures dans le petit chalet du lac. Ce jour où sa belle-sœur leur avait
donné « congé de parents » et qu’elle avait gardé les enfants. Et
elle était revenue enceinte de Louisa. Louisa. Quel âge aurait-elle… ?
Treize ans. Elle était donc morte depuis douze ans et demi.
    Rolande poussa un cri. Émilie se tourna.
Rolande s’en venait vers elle avec la deuxième chaussure dans les mains. Émilie
la regarda venir puis cria à son tour.
    – Rolande ! Tu marches !
    Elle ouvrit les bras pour y accueillir une
Rolande resplendissante. Puis elle revit le geste de Rolande quand elle lui
avait remis la première chaussure. Cette fois-là aussi, elle avait
marché ! Et elle, trop imbue de l’idée que Rolande ne marchait pas encore,
ne l’avait pas remarqué. Elle éclata de rire et Rolande l’imita. Paul, Jeanne
et Alice accoururent, certains que leur mère riait parce qu’elle venait
d’apercevoir la carriole arrêtée devant l’école. Émilie déposa Rolande qui se
dirigea

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