Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
lot
d’Anglais montés en Ontario. Blanche, assistée d’Émilien, installa la famille
Jolicœur dans le wagon de la poste. Elle savait maintenant comment transporter
les patients alités. Elle toucha la joue du bébé, qui faisait la moue comme
s’il avait compris qu’il déménageait pour la première fois. M. Jolicœur,
pleurant toujours, la remercia chaudement, malgré sa voix brisée. Malgré ses
lourdes pertes. Blanche l’embrassa et l’encouragea. Un sourire pâlot se dessina
au centre du visage ravagé de ce père démuni.
    – Vous avez encore le temps de changer
d’idée. Je peux aller avec vous jusqu’à Montréal, si vous voulez. J’ai apporté
tout ce qu’il me faut.
    – Non merci, garde. J’vas faire comme
vous m’avez dit. Mettre des gouttes d’eau dans les yeux de Lorraine pis du lait
en masse dans ce p’ tit ventre-là. On va être
là demain matin. Vous devez avoir du monde qui vous attend à Villebois.
    – Vous promettez de m’écrire ?
    – Je sais pas écrire ni A ni B. Mais j’vas
essayer de trouver quelqu’un pour le faire.
    Le train fit entendre son dernier cri et
Blanche descendit. Le chef de train ferma la porte du wagon et promit à Blanche
d’apporter de la nourriture à Amos. Rassurée, Blanche partit à la hâte pour
rejoindre son frère. Absorbée dans ses pensées, elle heurta un voyageur.
    – Excusez-moi.
    – Sûrement pas. Je cherchais justement un
prétexte pour vous parler. Vous êtes bien la garde de Villebois ?
    Blanche reconnut le chef de groupe, aperçu
l’automne précédent. Elle sourit de sa phrase et de son accent.
    – Vous êtes pas d’ici ?
    – Non. Pas d’Abitibi, en tout cas. Je
reste à Montréal. Mais je viens juste d’arriver au Québec. Quand je vous ai vue
à l’automne, c’était la première fois que je conduisais un groupe de colons. En
fait, je suis encore à peu près aussi dépaysé qu’eux autres.
    – Vous venez d’où ?
    – Je l’ai pas dit ? De
Saint-Boniface, au Manitoba.
    – Ha… ! C’est de là que ça vient,
votre accent.
    – J’ai pas d’accent. J’ai peut-être une
tête de buffalo mais j’ai pas d’accent.
    Il avait éclaté de rire, sachant fort bien
qu’il roulait ses r comme un rouleau compresseur.
    Ils marchèrent côte à côte, à la même vitesse
que le train qui venait de s’ébranler. Blanche aperçut Émilien et lui fit
signe. Émilien hocha la tête.
    – Il faut que je me dépêche. Mon frère
m’attend. Au plaisir, monsieur…
    – Lauzé. Clovis Lauzé. Pis je devrais
arriver à votre dispensaire demain vers à peu près huit heures du soir. On va
être trois.
    – À mon dispensaire ?
    – On vous a pas avertie ? On monte
des colons demain, en chaland. Par la rivière Turgeon. On nous a dit que la
seule place où on pouvait rester, c’était ch ez vous .
    Blanche cacha mal son étonnement. Personne ne
l’avait avertie que sa maison servirait de relais. Mais l’idée ne lui
déplaisait pas. Depuis son arrivée à Villebois, elle avait mis tellement
d’énergie dans son travail qu’elle en avait négligé sa vie sociale. Elle
rencontrait les gens à la messe, sa seule sortie hebdomadaire, dont elle se
serait souvent passée.
    Blanche essaya de sourire à Clovis Lauzé, même
si cette visite non annoncée la prenait un peu au dépourvu. Elle calcula
mentalement le nombre de draps dont elle disposait et prit note qu’elle devrait
en acheter une paire supplémentaire.
    – Je sais pas si j’vas être là. Ça dépend
toujours des urgences que je peux avoir. De toute façon, les chambres vont être
prêtes.
    Elle décida de rentrer immédiatement à
Villebois, malgré les exhortations d’Émilien et d’Alice.
    – Je voudrais, Blanche, que tu rencontres
mon ami.
    – Tu as un ami, Alice ?
    – Oui.
    – Sérieux ?
    Alice ne répondit pas, se contentant de
regarder au ciel, le sourire aux lèvres. Blanche ricana intérieurement puis son
rire muet se changea en rictus. Où étaient-ils, ces moments où elle pouvait à
loisir regarder les hommes qui l’entouraient ? Elle n’en avait plus le
temps. Elle craignait de s’avouer qu’elle avait presque perdu son intérêt.
    Elle rentra à Villebois pendant la nuit,
courut à sa chambre et se hâta de s’endormir. Elle pensa peu à Lorraine,
presque fière de constater qu’elle apprenait à se protéger de la souffrance des
autres. Tout doucement, elle s’empêchait de porter sur ses épaules tout

Weitere Kostenlose Bücher