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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Pis oui. Le bois a pas changé. On
voit juste plus de clochers, pis de rails, pis de monde. On voit plus de
routes, pis de maisons, pis d’écoles. Mais le bois a pas changé. Aimes-tu ça,
le bois ?
    Elle ne s’était jamais posé la question aussi
crûment. Son père l’obligeait à s’interroger rapidement.
    – Oui. Je passe mon temps dans le bois. Quand
il faut que j’aille voir des patients qui restent à quinze milles d’ici,
j’essaie de trouver des raccourcis par le bois au lieu de prendre les chemins
ou les sentiers. Je fais mes propres sentiers.
    – Comme moi.
    Blanche pensa à sa mère, qui lui avait dit que
la fille qui partait était celle de son père et non la sienne. Elle s’empressa
de lui donner un peu de crédit.
    – La seule affaire que j’aime pas, c’est
les mouches pis les moustiques.
    – Comme ta mère.
    Elle sourit.
    Elle distingua d’abord les voix et tâcha de
demeurer calme. Elle ne se leva que lorsqu’elle entendit craquer les planches
de l’escalier. Elle ouvrit la porte et Clovis Lauzé demeura le poing en l’air,
le geste interrompu.
    – Enlevez vos bottes pis entrez donc.
    Elle se demanda pourquoi elle leur avait dit
d’enlever leurs bottes . Ils étaient à pieds de
bas.
    – Vous êtes pas trois ?
    – Non. Deux, finalement. Le troisième est
resté à La Sarre. Un gros mal de gorge. Je
vous présente Jean Lanctôt.
    Blanche vit que la boue qui souill ait leur pantalon jusqu’aux cuisses n’était
pas encore séchée.
    – La montée de la rivière a été
dure ?
    – Non, pas trop. On pouvait pas avoir une
plus belle journée. Mais ce soleil-là a fait fondre la neige sur les bords de
la rivière. On s’est retrouvés dans la boue jusqu’aux oreilles. Est-ce qu’on
pourrait se laver avant de manger ?
    Blanche crut qu’ils voulaient tous les deux
faire une petite toilette. Ils demandèrent de l’eau chaude pour pouvoir prendre
deux bains ! Elle soupira et aida Jeanne à remplir des récipients d’eau.
    – Si on chauffe de l’eau, où est-ce que
j’vas faire à manger, moi ?
    Blanche haussa les épaules, agacée, elle
aussi, par l’attitude de ses visiteurs. Entre un lieu de dépannage et une
auberge, il y avait une marge. Les deux hommes étaient passés directement à
l’arrière de la maison. Elle n’avait pu leur présenter son père et en était
mortifiée pour lui. Elle l’invita à se rendre dans la cuisine. Il refusa,
préférant, dit-il, demeurer seul dans la salle d’attente. Elle s’entêta et il
la suivit.
    Le repas fut retardé de trente minutes mais
Blanche était heureuse de voir autour de la table des gens propres et bien mis.
Elle jetait un regard de temps à autre en direction de son père, qui
s’efforçait de manger correctement, déshabitué de le faire en compagnie d’autres
personnes.
    – Vous dites, monsieur Pronovost, que ça
fait presque vingt ans que vous êtes en Abitibi ?
    – Oui.
    Blanche tenait sa fourchette comme si celle-ci
avait pesé une tonne, craignant de l’échapper à la prochaine question si la
question était celle qu’elle anticipait. Clovis Lauzé mastiqua lentement, la
regarda discrètement et enchaîna, le sourire aux lèvres :
    – Votre famille est jamais venue en
Abitibi ?
    Blanche piqua sa fourchette énergiquement.
Jeanne se leva pour remplir l’assiette de légumes et son père releva la tête.
Il cligna des yeux, l’air presque offusqué. Blanche le regardait faire,
renversée par son sang-froid.
    – Oh ! oui. Mais ma femme pis moi on
a pensé que c’était mieux que les enfants finissent leurs études en Mauricie.
Mais presque tout le monde est ici, à c’t’heure. Sauf ma femme, qui s’occupe de
son frère qui est veuf. On peut pas être à deux endroits en même temps. Moi,
j’ai les enfants pas loin. Mon beau-frère a moins de compagnie.
    – C’est bien généreux de la part de votre
femme.
    Blanche regarda Jeanne et retint un sourire.
Leur père était presque aussi finaud que leur mère, qui aurait certainement
enjolivé la vérité d’une semblable façon.
    – Parlez-nous donc du Manitoba.
    Blanche avait détourné la conversation aussi
subtilement qu’elle l’avait pu. Lauzé et Lanctôt, tous deux franco-manitobains,
ne se firent pas prier et bientôt tout le monde à table riait aux éclats en les
écoutant raconter leurs frasques d’étudiants du collège de Saint-Boniface.
Lanctôt était plus discret. Lauzé gesticulait, parlait

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