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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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essayé de sauver
la vie de Marie-Louise qui elle aussi avait perdu les jambes. Paul va en perdre
juste une. Il va pouvoir remarcher avec une
jambe de bois. Ça va pas l’empêcher de vivre pis de travailler.
    Le chien ne cessait de la lécher.
    – Je suis même pas sûre que Paul va
survivre… J’aurais dû aller le voir plus vite… Castor ?
    Le chien dressa les oreilles.
    – Je peux pas comprendre que Paul veuille
pas essayer de vivre. Je suis certaine que Marie-Louise aurait continué, elle.
Mais on l’a perdue. Pourquoi, Castor, est-ce que c’est moi qui ai été obligée
de prendre la décision de mutiler mon frère ? J’ai pas voulu être
infirmière pour blesser le monde. Je veux les guérir. Pas leur faire mal…
    Blanche se tut avant de pousser un cri de
désespoir, encore une fois. Presque inconsciemment, elle se tourna sur le dos et commença à bouger les bras et les jambes afin
de dessiner un ange dans la neige.
     

4 7
     
    Les seuls moments de joie qu’avaient apportés
les fêtes et le mois de janvier avaient été les accouchements. Le reste du
temps, Blanche avait soigné les hommes pour des indigestions, des hernies, des
entorses lombaires, des brûlures et des crises de foie. Les nouvelles de Paul
étaient rassurantes. Il avait quitté l’hôpital pour faire une convalescence au
presbytère de Napoléon. Blanche était certaine que ce simulacre de vie de
prêtre lui ferait le plus grand bien.
    Pendant le mois de février, le froid avait été
tellement intense que Blanche et Jeanne avaient gelé. Jeanne s’y était habituée
mais Blanche avait réagi violemment, ayant encore frais à la mémoire le premier
hiver qu’elle et sa famille avaient vécu à Shawinigan. Elle était allée voir
l’agent de colonisation.
    – J’ai pas l’intention d’être obligée de
demander aux patients de rester habillés quand ils entrent dans le dispensaire.
Il faut que je les ausculte pis je connais personne qui aime se faire geler
dans une maison où, le matin, l’eau est glacée dans les plats.
    On lui avait donc installé une petite
fournaise à huile. Elle l’avait fait placer à l’avant, dans la salle d’attente,
bien qu’il fallût pour cela faire courir le tuyau d’échappement dans tout le
couloir, sacrifiant l’esthétique au confort. Sa chambre s’était aussitôt
réchauffée, la fournaise étant installée directement sous son grillage de plancher.
    Ce qu’elle détestait le plus de cet hiver,
c’étaient les journées de lavage. À cause des heures d’ouverture du
dispensaire, elle et Jeanne ne pouvaient étendre le linge avant la fin de la
soirée, colorant le couloir et la cuisine de nombreuses cordées.
    – Au moins, depuis qu’on a la fournaise,
ça sèche pendant la nuit.
    – Je trouve quand même que ça fait
misérable. J’aimerais mieux qu’on étende dehors.
    – Si tu veux le faire, Blanche, fais-le.
Moi, en tout cas, j’vas pas aller me geler les mains parce qu’une nuit par
semaine le corridor a l’air d’un bateau à voiles.
    – La nuit dernière, on a eu une urgenc e J’ aime donc pas ça, montrer la maison dans cet
état-là.
    Jeanne la regarda en hochant la tête. Elle
savait que ce qui ennuyait le plus sa sœur, c’était que les gens voient qu’elle
aussi avait des draps sales et des sous-vêtements et quelques bas troués. Elle
savait aussi que lorsque sa sœur commençait à rouspéter à tout propos, ce qui
était franchement agaçant, c’est qu’il y avait quelque chose qui la tracassait,
habituellement l’état de santé d’un patient.
    Quelques minutes après cette discussion,
Blanche monta à sa chambre mettre des vêtements de rechange dans un sac. Elle
réapparut aussi rapidement.
    – Je pars pour le rang 8-9. J’ai une patiente qui devrait accoucher d’une
heure à l’autre.
    – Est-ce que c’est elle qui te rend de
mauvaise humeur comme ça ?
    – Je suis pas de mauvaise humeur !
    Blanche avait élevé le ton, ce qui était fort
inhabituel. Jeanne n’avait plus rien ajouté, se contentant de décrocher le linge
sec, épiant la nervosité de sa sœur entre les draps, les taies et les
serviettes.
    Blanche attela ses deux chiens et soupira en
pensant qu’elle avait encore au moins un mois de gros froid avant de reprendre
son cheval. Castor jappa, manifestement content de partir en excursion, tandis
que la chienne le suivait péniblement, alourdie par sa gestation. Blanche
espéra que la chienne attendrait

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