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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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le
poids de la maladie contre laquelle elle ne sortirait que vaincue.
    Elle se leva tôt, éveillée par le son des
glaçons qui fondaient sous un soleil puissant de sa nouvelle apparition. Elle
se précipita à la fenêtre, tira les rideaux et décida d’ouvrir. Elle respira à
pleins poumons les odeurs de printemps qui, en une nuit, avaient embaumé l’air
de l’Abitibi. Elle ne comprendrait jamais ce pays où, en moins de deux jours,
les saisons se chevauchaient. Elle décida de ne plus attendre et d’aller
chercher son cheval pour le ramener à la maison.
    Par miracle ou parce qu’ils étaient
ragaillardis par l’arrivée subite de la chaleur, aucun colon ne vint réclamer
ses services au dispensaire. Elle acheta les draps qu’elle espérait ne pas
avoir à utiliser et marcha jusqu’à la Cache pour prendre Ti-Zoune. Le cheval,
lui sembla-t-il, la reconnut. Elle marcha à côté de lui sur une distance d’un
demi-mille, puis, enivrée de plaisir, elle décida de le monter, à
l’amérindienne, sans selle. Le cheval la laissa faire et elle le fit galoper,
riant toute seule, dans cette forêt à peine dégarnie, de sa joie et de sa peur.
Le cheval, dont les pattes avaient été engourdies par le froid et le manque
d’exercice, apprécia la randonnée.
    Elle arrivait au dispensaire lorsqu’elle
aperçut un étranger. Le soleil plein la vue, elle plissa les yeux pour
reconnaître le vieil homme qui la regardait venir. Elle devina un sourire dont
l’éclat des dents était bien à l’abri derrière une épaisse moustache grise.
Elle arrêta son cheval et sauta par terre pour que son arrivée ressemble davantage
à celle d’une infirmière qu’à celle d’une amazone échevelée. Elle s’approcha
rapidement, la main portée en visière, souriant à l’inconnu.
    – Bonjour ! On peut vous
aider ?
    L’homme la regarda sans répondre. Elle se
demandait s’il était un quêteux qui aurait traîné ses savates et son baluchon à
Villebois.
    – Vous veniez au dispensaire ?
    Il ne répondit toujours pas, s’approchant
d’elle en boitillant.
    – C’est Blanche, hein ? Pas Jeanne.
    Son père ! Son père qu’elle n’avait plus
revu depuis quatorze ans mais dont Émilien lui avait parlé. Elle laissa tomber
la main et, ne sachant qu’en faire, commença à froisser son pantalon.
    – Tu me reconnais, Blanche ? Émilien
m’a dit que tu étais ici depuis… ça fait quoi… un an  ?
    Elle hocha la tête en petits coups saccadés.
    – Tu m’invites pas à rentrer ?
    Elle hocha encore la tête en signe
d’assentiment et le précéda, marchant tout droit, la tête dans ses souvenirs
colorés de cheveux bruns et d’yeux bleus et non d’une tête grise et d’yeux
absents, voilés par des paupières ridées, tombantes, presque closes.
    – Excuse mon apparence. J’ai marché depui s La Sarre. Je suis parti hier. J’avais juste pensé
venir vous voir, toi pis Jeanne.
    Elle se demandait si elle retrouverait la
voix. Cinq minutes plus tôt, elle avait senti que son corps était juteux.
Maintenant, il était déshydraté.
    – Si ça vous dérange…
    – Non, pâpâ. Vous êtes le bienvenu ici.
Après tout…
    Elle ne termina pas. Elle allait dire qu’après
tout elle et Jeanne étaient ses filles. Ce lien lui semblait maintenant presque
sacrilège. Une pâle imitation de ce qui aurait pu être. Une grimace à ses
attentes d’enfant. Il la suivit dans son bât iment,
la regarda débrider Ti-Zoune, un vague sourire aux lèvres. Elle se demandait si
elle devait parler et, ne trouvant que dire, se tut. Son père n’était pas plus
bavard qu’elle.
    – J’aurais peut-être dû écrire avant
d’arriver comme ça. À moins que tu sois comme ta mère. Elle, elle a toujours
aimé ça quand j’arrivais sans m’annoncer.
    Elle se retint d’ajouter qu’il s’était aussi
annoncé souvent sans arriver.
    – J’ai su que Paul avait eu la jambe
coupée à cause de son diabète.
    Elle frissonna. Il avait dit « la jambe
coupée » et non « amputée ». Cela résonnait cruellement. Si
encore elle avait senti quelque émotion dans son propos.
    – Oui. Il va bien.
    – Heureusement que c’est une jambe. Ça
l’empêchera pas de dessiner pis de faire de la peinture.
    Elle tiqua. Napoléon, il y avait bien des
années, lui avait dit que Paul peignait. Elle n’avait vu qu’une toile. Elle
n’avait jamais même aperçu de tubes de peinture, de chevalet ou de
térébenthine. Et ce

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