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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Le second avait expiré le matin même. Quant
à Ovila, le médecin croyait qu’il avait une fêl ure
à la colonne vertébrale. Pas une fracture, parce que ses jambes bougeaient un
peu. La moelle n’avait pas été touchée. Mais il avait aussi une vilaine
fracture à la jambe gauche. Il avait conscience de tout et c’est lui-même qui
lui avait donné le nom de sa mère, à Saint-Tite.
    – Votre nom, madame, c’est Émilie ?
    – Oui. Pourquoi ?
    – Parce que depuis deux jours il vous
appelle dans chacun de ses sommeils.
    Émilie retourna au chevet d’Ovila. Il était
éveillé.
    – Salut ! ma belle brume. On peut
dire que je t’ai probablement apporté une autre sorte de surprise pour ta fête.
    Elle aurait voulu le battre. L’insulter. Lui
crier que le moment de blaguer n’était pas encore venu. Mais elle éclata de
rire. D’un rire tellement nerveux qu’il se mua instantanément en un profond sanglot.
    – Mon vieux fou, toi ! Qu’est-ce que
tu faisais à La Tuque ? Je te pensais à
Barraute.
    – Barraute ? Oui, je suis allé à
Barraute. Mais ma femme, tu sais, ma femme, la belle Émilie, avait raison.
C’est un pays de moustiques. Pis j’ai pas vu d’école. Ça fait que depuis deux
mois je travaille pour la Windigo.
    Maintenant, elle aurait voulu lui arracher les
yeux. Lui crier qu’il aurait pu écrire. Mais elle savait le moment mal choisi.
Il avait essayé de la faire sourire. Il avait essayé de prendre son ton badin,
mais ses yeux ne cachaient ni son mal ni sa douleur. Longue loque amaigrie sur
un drap blanc taché de sang. Ovila !
    Émilie put rester auprès de lui pendant cinq
jours. Ils parlèrent si peu qu’elle ne lui dit que l’essentiel. Elle lui donna
son adresse et le pria de les rejoindre dès qu’il pourrait se déplacer et voyager.
Ovila promit.
    – Quand, Ovila ?
    – Comme tu dis. Quand j’vas pouvoir me
déplacer pis voyager.
    – D’après le docteur, Ovila, ça peut
prendre combien de temps ?
    – De un à six mois. Ou plus. Ou moins.
    Émilie souffla l’espoir qui s’était rallumé.
    – Qu’est-ce que tu faisais sur la route,
Ovila ?
    – Crois-le ou non, ma belle brume,
j’avais décidé d’aller te porter ton cadeau de fête. Tu le sais, Émilie, je
t’ai toujours fait des surprises à ta fête. Mes amis, eux autres…
    Il ne termina pas sa phrase. Il ferma les yeux
et sanglota comme un enfant. Émilie lui mit une main sur le front, se pencha
doucement et l’embrassa. Il sanglota davantage.
    – Soigne-toi, Ovila. On va reparler de
tout ça à la maison.
    Ovila n’avait plus dit un mot. Émilie reprit
le train pour Saint-Tite, déchirée. C’était son faiblard qu’elle avait vu. Pas
l’autre, celui qu’elle aimait. Mais celui qui reviendrait serait peut-être le
bon. Celui qui reviendrait… Elle se mordit l’intérieur de la joue. Elle l’avait
tué mille fois et voilà qu’il venait de ressusciter. Couvert de bandelettes
mais bien en vie. Aussi éclopé que les survivants de la guerre, si elle en
croyait les photos qu’elle avait vues dans les journaux. Elle regarda la nuit noire qui collait à sa fenêtre et se demanda si elle
passerait encore beaucoup de moments importants de sa vie dans un train.
     

8
     
    Blanche regardait la sœur Sainte-Eugénie,
attendant que cette dernière lui fasse un signe. La sœur Sainte-Eugénie gardait
la tête baissée devant l’ostensoir et Blanche était certaine qu’elle n’avait
pas encore remarqué l’absence du voile huméral. Blanche avait la tête chaude et
les mains moites. Dans quelques minutes, le vicaire ferait une génuflexion, mettrait
ses deux mains sur ses épaules, prêt à recevoir le voile que l’enfant de chœur
y déposerait, se lèverait en croisant le voile sur sa poitrine, prendrait
l’ostensoir dans ses mains, se tournerait vers les religieuses et les pensionnaires
et les bénirait. La sœur Sainte-Eugénie ne bronchait toujours pas.
    Depuis qu’elle était rentrée de ses vacances
des fêtes, Blanche avait eu de nouvelles tâches à remplir. Avant Noël, elle
travaillait aux cuisines, à récurer les chaudrons. Les samedis, elle aidait à
la lessive, responsable surtout des taies d’oreiller qu’elle devait plier et
repasser. Ensuite, elle époussetait les parloirs, celui des religieuses et
celui des pensionnaires, en vue des visites du lendemain. Toutes les pensionnaires
avaient des tâches à effectuer, mais elle en avait plus que les autres à

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