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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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raconté à Blanche que c’était le plus beau travail qu’une
religieuse pouvait faire parce qu’elle passait toutes ses journées près du
Christ et qu’elle avait l’immense privilège de pouvoir toucher aux objets
consacrés. Elle avait même eu l’occasion de prendre les hosties le jour où un
ciboire rempli était tombé dans le tabernacle, répandant son précieux contenu.
La sœur Sainte-Eugénie lui avait affirmé que si le curé avait été présent, elle
n’aurait jamais osé le faire. Mais comme le curé était sorti visiter des
malades, la sœur Sainte-Eugénie n’avait pas eu le choix. Depuis ce jour, elle
n’avait jamais voulu abandonner son travail. Mais maintenant la sœur
Sainte-Eugénie était trop vieille pour le faire seule parce qu’elle était
toujours en prière et trop distraite. La supérieure du couvent avait nommé
Blanche aide-sacristine. Blanche avait donc laissé ses chaudrons, son
époussetage et son repassage pour ne travailler qu’à la chapelle. Elle aimait
la sœur Sainte-Eugénie, qui était née en France et qui lui racontait toutes
sortes d’histoires. Elle avait une drôle de façon de parler, mais Blanche
s’était habituée à se faire dire des choses comme : « Mon enfant, que
vous êtes innocente ! » La première fois, elle avait été insultée
parce qu’elle avait déjà entendu des gens dire que sa sœur Rose était
« l’innocente ». Mais dans la bouche de la sœur Sainte-Eugénie,
« innocente » ne voulait pas dire « lente », mais
« pure », « gentille », « charmante »,
« distraite » ou « drôle » selon les situations.
    Maintenant qu’elle était aide-sacristine,
Blanche passait tout son temps dans la sacristie de la chapelle. À nettoyer les
chandeliers de toute la cire qui s’y agglutinait à chaque messe. À gratter les
lampions, les petits et les grands, et à les laver de toute suie. À repriser et
repasser les surplis des enfants de chœur et leurs aubes. À ranger les étoles
et les chasubles. La sœur Sainte-Eugénie lui avait montré la belle chasuble de
Pâques. Elle lui avait dit que la broderie était faite avec du fil d’or.
Blanche avait pu toucher à l’or et s’était juré qu’un jour elle en aurait. Elle
aimait la sœur Sainte-Eugénie. Mais, en ce moment, elle n’osait pas se lever,
s’approcher d’elle et lui dire que le voile huméral n’était pas à sa place. À
l’église, elle n’aurait eu qu’à se lever, passer à côté du confessionnal et
courir à la sacristie pour chercher le voile. Mais ici, dans la chapelle du
couvent, il n’y avait qu’une façon de se rendre à la sacristie : il
fallait se lever, marcher devant tout le monde, se diriger vers la balustrade,
enlever le crochet et ouvrir, passer derrière le prêtre, et entrer dans la sacristie.
Blanche avait des vapeurs de timidité qui la paralysaient. Mais il lui fallait
réagir, parce que la sœur supérieure la gronderait ou, pire, gronderait la sœur
Sainte-Eugénie.
    Elle était retournée à la maison à Pâques et
sa mère les avait accueillis comme si elle ne les avait pas vus depuis trois
mille ans. Sa mère s’ennuyait toujours. Elle était occupée toute la journée à
enseigner et quelqu’un avait dit à Blanche qu’elle enseignait toujours aussi
bien. Blanche aussi s’ennuyait, mais elle savait qu’elle avait tellement de
chance de pouvoir faire des études que l’ennui était moins pire. Elle espérait
aussi que, l’année suivante, Marie-Ange et Jeanne seraient avec elle. Sa mère
en avait reparlé et Marie-Ange avait dit qu’elle y réfléchirait.
    Pendant le congé de Pâques, Blanche avait
aussi appris que la santé de Paul s’était tellement améliorée qu’il pourrait
fréquenter le collège. Il pourrait peut-être même sauter une année si ses
résultats continuaient d’être aussi bons. Blanche avait rapporté un autre beau
bulletin avec une moyenne au-dessus de quatre-vingt-dix et sa mère lui avait
donné une petite tape sur la fesse en lui
disant : « Continue, ma Blanche ; c’est ici qu’il faut
emmagasiner, pas là. » Quand sa mère avait dit « ici », elle
avait désigné sa tête. Quand elle avait dit « là », elle avait montré
sa poche. Blanche avait souri, et elle avait dit à sa mère qu’elle voudrait
bien, quant à elle, que ces deux endroits fussent pleins. Sa mère avait répondu
qu’elle le souhaitait aussi mais que la tête et son contenu étaient

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