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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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lui.
    – Paulo ?
    – Bonsoir, moman.
    Blanche eut droit au sourire de joie de sa
mère… après des minutes de larmes. Blanche jubilait. Sa mère venait de perdre
ses dix années de trop. Elle reconnaissait l’ennui dans le visage de sa mère.
Il se cachait à la commissure des lèvres. L’inquiétude, elle l’exprimait par
son front, et la tristesse, par les rides de ses yeux. Mais l’ennui, lui, était
autour des lèvres.
    La soirée fut excitante. Paul raconta toute la
matière qu’il apprenait et il avait remis une petite peinture à sa mère. Le
curé Grenier lui posa deux questions en latin et Paul sut répondre. Émilie éclatait
de fierté. La dinde mangée jusqu’au dernier lambeau de chair, ils nettoyèrent
la table. Jeanne, Alice et Rolande se couchèrent. Clément s’assit dans un coin,
participant peu à la conversation mais ne perdant pas un mot, pas un geste. Il
fut d’ailleurs le seul à remarquer la main de Napoléon qui, sous la table,
tenait fermement celle de Blanche.
    Le curé les quitta à minuit. Clément
s’endormit sur sa chaise tandis qu’Émilie, Blanche, Paul et Napoléon
discutèrent jusqu’aux petites heures. Blanche essaya d’effacer les bâillements
de plus en plus fréquents qui l’assaillaient. Elle capitula, proposa de faire des
lits – ce qui fut accepté – et salua tout le monde. Elle se coucha heureuse.
Fière d’elle, et de Napoléon, et de Paul, et de sa mère…

 1 8
     
    Émilie monta dans ses locaux, claqua la porte
et courut à la cuisine. Elle prit un chaudron, remercia le ciel – pour la
première fois – de ne pas avoir d’enfant avec elle, et frappa le chaudron
violemment contre son comptoir. Elle frappa en hurlant sa rage et son
humiliation. La poignée du chaudron craqua et elle le vit voler en direction de
la fenêtre. Dieu merci, la vitre résista à l’assaut. Puis elle se calma,
ramassa le chaudron, vit que les commissaires étaient encore dehors devant
l’école à parler de leurs insignifiances. Elle sourit intérieurement en se
demandant ce qu’elle aurait fait si le chaudron avait effectivement brisé la
vitre. Avec un peu de chance, Joachim Crête l’aurait reçu sur la tête. Elle
aurait donné tout un mois de salaire pour assister à un tel spectacle.
    Il s’était tellement amusé. Jamais plus elle
n’autoriserait les commissaires à pénétrer dans sa classe pour une
« visite de politesse ». Une jolie façon de venir la voir à l’œuvre
pour mieux la critiquer. Les commissaires étaient arrivés juste avant la fin de
la journée, à l’heure où les enfants s’agitaient sur leur chaise et avaient le
cerveau encombré par leur fatigue quotidienne. Ils s’étaient assis devant la
classe, déplaçant les enfants pour avoir leurs chaises. En rangs d’oignons, ils
faisaient face à la classe et elle, coincée entre leurs jambes allongées et les
pupitres, multipliait les efforts pour ne pas écraser de pieds. Elle avait
tenté de continuer son cours mais, voyant que les commissaires ne savaient pas
de quoi elle parlait, elle avait remis à chacun un manuel scolaire pour leur
permettre de mieux suivre. Aucun n’avait pensé à la remercier. Elle avait donc
poursuivi, sans cesse interrompue par une mise au point de tel ou tel
commissaire. Puis elle avait vu. Deux d’entre eux tenaient leur livre à
l’envers ! Les illettrés la narguaient de leur savoir en feignant de
lire ! Elle était bien capable d’accepter que plusieurs personnes ne
connaissent pas une seule lettre de l’alphabet, mais elle refusait de se faire
reprendre sur une chose exacte par une personne qui ne comprenait pas l’a b c de ce qu’elle venait d’expliquer. Et Joachim Crête,
le grand dadais, souriait de son déplaisir, d’autant plus que lui aussi
comprenait les erreurs commises par les commissaires. Pour ne pas les humilier,
eux, elle leur avait donné raison ! Leur donner raison quand ils ne
savaient même pas exprimer leur idée sans faire une faute de français !
    Elle s’assit et mit ses lunettes pour les
enlever aussitôt. Elle se mit un poing sur le front. Jusqu’où
s’abaisserait-elle pour assurer la pitance de ses enfants ? Elle n’en
pouvait plus de cette école qui ressemblait davantage à un bât iment. Elle n’en pouvait plus de se lever la nuit
et d’uriner dans un pot qu’elle vidait le lendemain. Au su de tous !
Combien étaient-ils encore à ne pas avoir l’eau de l’aqueduc et les commodités
qui

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