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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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partie.
    – Morte ?
    – Non. Partie. Une hémorragie cérébrale.
Depuis deux mois dans le coma. D’après les médecins, elle ne reprendra jamais
conscience. Elle respire, c’est tout. Elle n’a plus ouvert un œil. Elle ne
réagit à rien.
    – Mais c’est pas possible, Henri. Dans sa
dernière lettre, elle me parlait de ses projets, de votre petit-fils, de…
    Henri sanglotait. Émilie lui remit un
mouchoir. Elle-même était trop affaissée pour savoir comment réagir. Tout ce
qu’elle savait, c’était qu’Henri lui faisait penser à un enfant perdu.
    Ils demeurèrent silencieux pendant plus d’une
heure, chacun sanglotant sans crainte de la pensée de l’autre.
    – J’avais besoin de te voir, Émilie. Pour
te parler. Pour t’entendre parler d’Antoinette.
    Émilie fouilla dans les replis de son cœur
pour trouver des anecdotes amusantes à lui redire. Henri l’écouta, comme s’il
n’avait jamais entendu parler de la robe bleue. Comme s’il découvrait une Antoinette
qui lui était étrangère. Il sécha ses larmes et lui-même raconta les dernières
années d’Antoinette. Ses occupations. Ses maladresses. Émilie rit et pleura.
Puis elle l’interrompit net.
    – Henri, on parle d ’elle comme si elle était morte. Antoinette est encore vivante.
    Henri leva les yeux vers elle, presque en
colère.
    – Vivante ? Vivante où ?
Vivante pour qui ? Pour les infirmières qui la lavent ? Non, Émilie.
On peut parler d’elle au passé.
    – Les médecins doivent avoir de
l’espoir ?
    – De l’espoir ? Mais pour quoi,
Émilie ? Si elle reprenait connaissance, Antoinette ne pourrait plus rien
faire. Rien être, en fait. Si ce n’était de mes croyances, je crois que je lui
mettrais un oreiller sur la tête.
    – Henri !
    – Ne prends pas cet air scandalisé,
Émilie. Si tu la voyais… Antoinette pèse cinquante livres, est couchée comme un
bébé, sur le côté…
    Il ne finit pas sa phrase, victime d’une
nouvelle montée de désespoir.
    Émilie promit à Henri qu’elle irait voir
Antoinette durant l’été. Elle ne tint pas sa promesse, Antoinette étant morte
le jour du retour d’Henri. Henri lui écrivit une longue lettre dans laquelle il
parlait de son bonheur, de ses espoirs déçus, de sa reconnaissance. Ses propos
étaient confus. Émilie eut parfois la nette impression qu’il parlait d’elle et
non d’Antoinette.

1 9
     
    Blanche était assise devant l’école, occupée à
terminer un ruban de dentelle promis à la chapelière. Son petit commerce avait
connu un tel succès l’année précédente qu’elle avait facilement repris sa
clientèle. Elle avait décidé de s’installer devant et non derrière l’école pour
être certaine de ne pas rater l’arrivée de Napoléon. Depuis qu’elle avait
rencontré Napoléon, elle n’avait cessé de compter. Le nombre de jours qui
s’étaient écoul és depuis sa chute de
bicyclette. Le nombre d’heures que Napoléon avait passées à l’école le
lendemain du souper de la Toussaint. Le nombre de fois qu’ils s’étaient
embrassés. Le nombre de lettres qu’ils avaient échangées. Elle lui avait écrit
cinquante lettres. Lui, quarante-sept. Elle les connaissait toutes par cœur, passant
d’interminables heures à les lire et à les relire. Dans sa dernière lettre,
Napoléon avait commencé à lui parler d’avenir. De leur avenir. Ils
avaient déjà convenu qu’elle enseignerait quelques années, le temps qu’il
termine ses études, et qu’ensuite ils se marieraient. Napoléon lui décrivait déjà
les travaux qu’ils feraient dans la maison de son père quand eux
l’habiteraient. Il lui avait même dit que la maison serait assez grande pour
loger dix enfants, sans qu’il y en ait plus de deux par chambre.
    Sa mère préparait le souper. Elle n’avait pas
encore osé lui parler de leurs projets. Napoléon lui avait dit d’attendre qu’il
soit là. Il voulait parler lui-même de mariage. Elle s’était moquée de lui,
écrivant qu’il prenait son « rôle » très au sérieux. Il lui avait
répondu qu’elle n’avait peut-être jamais eu de père mais qu’il veillerait à ce
qu’elle ait un mari. Depuis des mois maintenant, leur correspondance sentait le
printemps et l’amour. Depuis des mois maintenant, elle se préparait le cœur à
le revoir.
    Elle entendit un bruit de verre et leva la
tête en direction de la fenêtre ouverte de la cuisine.
    – Qu’est-ce qui se passe,

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