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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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moman ?
    – Je viens de casser mon dernier verre de
cristal. Napoléon va être obligé de boire dans un verre ordinaire.
    Émilie s’énervait. Non pas tant parce qu’elle
recevait Napoléon à souper mais parce que Marie-Ange lui avait écrit qu’elle
avait fait la connaissance de « l’homme de sa vie ». Elle
s’inquiétait. Si sa fille avait été près d’elle, elle aurait pu rencontrer cet
homme « extraordinaire ». Elle ne trouvait pas normal qu’une mère ne
puisse surveiller les relations et les fréquentations de ses filles. Les temps
changeaient trop rapidement. Quelque part dans la vapeur des pommes de terre
qui bouillaient, elle avait perdu le souvenir que personne n’avait regardé de
très près ses fréquentations à elle. Sauf Antoinette…
    Si Marie-Ange se mariait, qui prendrait soin
de Rose ? Marie-Ange n’apporterait certainement pas une sœur en dot. La
chose se faisait, naturellement, mais elle préférait que ses filles vivent leur
vie en regardant droit devant. Sans traîner leur passé. Il lui faudrait
convaincre Rose de revenir vivre à Saint-Tite, avec elle. Lui dire qu’elle
avait besoin d’elle. Lui répéter que, depuis son départ, elle n’avait jamais
plus mangé de bon pain. Il lui faudrait redevenir la mère de Rose. La mère qui
avait promis qu’elle vivrait une vie normale. Mais c’était tellement difficile
pour Rose. Marie-Ange lui avait écrit qu’elle avait perdu son emploi à la gare
Viger parce qu’elle se trompait trop souvent en rendant la monnaie. Ensuite,
elle avait travaillé comme serveuse dans un petit casse-croûte. Encore une
fois, on l’avait remerciée de ses services parce qu’elle oubliait fréquemment
ce que les clients avaient demandé. Mais le patron du casse-croûte, qui avait
une sœur « comme Rose », lui avait offert de travailler la nuit, à
faire le ménage et la vaisselle. Selon Marie-Ange, Rose aimait bien ce travail,
parce que « personne ne lui poussait dans le dos  ».
Mais Marie-Ange et Émilie s’inquiétaient de savoir Rose seule la nuit, sans
protection, dans une grande ville comme Montréal.
    Émilie souleva le couvercle du chaudron et
piqua une des pommes de terre avec une vieille fourchette aux dents croches.
Elle remit le couvercle et éloigna le chaudron de la source de chaleur, de façon
à s’assurer de ne pas trop cuire les légumes. Elle s’essuya le front avec le
linge à vaisselle qu’elle gardait en permanence sur son épaule quand elle
cuisinait, s’en voulut de faire un repas chaud par une journée aussi collante
et humide et demanda à Jeanne si la table était bien mise. Jeanne lui répondit
que oui et retourna jouer avec Alice une interminable partie de dames.
    Émilie se mit le nez à la fenêtre. Blanche
terminait son ruban de dentelle. Bientôt elle le roulerait et y piquerait une
épingle pour l’empêcher de se dérouler. Elle sourit aux gestes de sa fille.
Blanche faisait chaque petite chose comme s’il n’y avait pas de lendemain. Une
perfectionniste. Comme Ovila l’avait été au meilleur temps de sa vie quand il
travaillait le bois. Elle vit Blanche lever la tête subitement et regarder en
direction de la route. Elle suivit le mouvement de sa tête. Blanche avait des antennes.
Maintenant, elle aussi pouvait entendre le moteur de la moto de Napoléon.
    Blanche déposa son panier de travail et courut
à la route. Napoléon lui fit un grand geste de la main et, malgré son chapeau
et ses lunettes, elle vit le soleil illuminer l’or de son sourire. Il coupa le
moteur et sauta rapidement de sa moto qu’il appuya contre la galerie. Blanche
aurait voulu se précipiter dans ses bras mais elle n’osa pas, se demandant si
cela était convenable. Napoléon, lui, ne se posa pas la question, la prit dans
ses bras et la souleva. De sa fenêtre, Émilie sourit de voir la joie de sa
fille, même si son cœur à elle grimaçait de l’ennui qui s’y était installé.
    L’été, pour Blanche, fut ensoleillé et
souriant. Elle ne vit pas les pluies et les orages et ne sentit jamais les
journées fraîches du mois d’août. Elle et Napoléon, toujours accompagnés de
Jeanne et d’Alice, parfois de Rolande, n’en finissaient plus d’inventer des
activités amusantes. Ils redécouvrirent le plaisir de faire les foins, de
cueillir les fraises et les framboises, de se baigner au lac à la Perchaude.
Son oncle Ovide y habitait durant l’été et elle savait qu’elle était toujours
la

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