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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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quelques larges tranches de jambon qu'il dévora à pleines mains. Des noix fraîches et des pommes conclurent ce rustique en-cas. Plus tard, au moment de s'endormir épuisé, trois visages s'imposèrent, celui de son fils, celui de La Satin et enfin celui d'Aimée d'Arranet.

    Dimanche 9 octobre 1774
    Nicolas fut réveillé par les trilles lointains d'une flûte. Si M. de Noblecourt s'exerçait de la sorte, cela augurait bien de sa santé et de l'alacrité de son humeur. Aussitôt sa toilette achevée et son déjeuner pris, il le rejoignit. Le spectacle aurait séduit le pinceau d'un peintre habile à saisir les moments d'intimité des foyers. La lumière du matin enveloppait le vieux magistrat d'un halo doré. Marquant du pied la mesure, il exécutait avec sa maestria coutumière un air de danse champêtre. Épaule contre épaule, Cyrus et Mouchette, le considéraient avec attention. Nicolas, immobile, se laissa prendre par la paix de cet instant et attendit la fin du morceau pour se manifester.
    — C'est un plaisir extrême de vous retrouver rétabli, dit-il.
    Noblecourt se laissa aller sur son fauteuil favori.
    — Hé, hé ! C'est que je ne fus jamais établi… En revanche, il paraît que vous avez récolté plaies et bosses ?
    — Oh ! dit Nicolas, il y a belle lurette que j'ai vu le feu pour la première fois. À dix ans, un invité de mon père a failli me tuer, m'ayant confondu avec un chevreuil ! Les balles ont pris l'habitude de me caresser.
    — Ne faites pas l'esprit fort, vos amis ne vivent plus lorsque vous vous éloignez. Contez-moi plutôt vos nouvelles aventures. Cela m'égayera et me reposera de ces trilles. Vous n'imaginez pas la difficulté, quand deux tremblements se suivent, d'éviter de les moduler de la même façon !
    Nicolas se lança dans le menu de son séjour à Versailles et exposa la suite des événements marquant le déroulement de son enquête. Son vieil ami s'en trouva fort agité et pensif.
    — Avez-vous bien réfléchi aux implications de cet attentat perpétré contre vous ? Si l'on exclut qu'il s'apparente à ceux dont vous fûtes la victime au début de cette année et dont les coupables ont été bannis, il faut bien convenir que vos agresseurs, ou plutôt votre assassin, s'attachent à vous empêcher de porter plus avant vos investigations. Qui menacez-vous donc, et quels intérêts sont traversés par votre action ? Cet Anglais mystérieux, la sagesse autant que la raison voudraient qu'il ne se manifestât point, qu'il se terrât comme c'est le propre des gens de son espèce…
    — Cependant…
    — Soit, je devine votre objection : vous l'avez reconnu dans la grande galerie en dépit de sa défroque. S'il s'acharne contre vous, c'est que votre action approche un espace sensible où vos intérêts sont contraires et comme, par ailleurs, vous enquêtez sur une série de meurtres qui impliquent peu à peu, et par une sorte d'investissement concentrique, un ministre du roi, cela signifie, suivez ma pensée, que l'Anglais en question pourrait bien avoir partie liée avec les assassins. Votre sagacité menace les intérêts de la mission dont il est chargé et qui me paraît, à moi pauvre infirme de tête et de corps, viser le destin d'un grand. Considérez vous-même que M. de Saint-Florentin ne peut vous avoir appelé à enquêter sur un meurtre commis par lui ! Que dis-je crime ? Des crimes. Et ensuite, il chercherait à vous faire supprimer ! Cela n'a aucun sens. Il y a autre chose sous cette suite inexplicable d'événements.
    Il parut entrer dans une sorte de méditation presque assoupie.
    — Vous attirez les faux-semblants, cher Nicolas. Depuis quatorze années consacrées aux « affaires extraordinaires », vous menez une lutte sans fin contre des ombres doubles. L'intérêt, la vengeance, l'ambition, la luxure et la haine vous entraînent comme les spectres dans la forêt du crime, et les morts ont pour vous le visage double du dieu antique.
    — Ciel, dit Nicolas, vous me rappelez un certain Mic-Mac qui interrogeait les esprits en jouant du tambour ! Vous, c'est la flûte. Vous êtes la Pythie de la rue Montmartre !
    — Moquez-vous ! À mon âge, j'ai licence de m'accorder quelques caprices. Et s'il me plaît à moi d'être erratique…
    — Nul ne viendra jamais vous en contester le droit.
    — Il ferait beau voir ! Pour le moment, la devineresse est affamée. Qu'on m'apporte ma soupe et mes croquets, car la Pythie vient en

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