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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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marais éblouissant de Guérande sous le soleil resurgit de son enfance et, avec cette image, le gamin mouillant son doigt qui recueillait les cristaux marins… Il repassa la Seine à pied, la dépense physique l'aidant souvent à mieux vider son esprit de l'encombrement des pensées contradictoires. Ce salutaire exercice de vide spirituel conduisait à rétablir la table rase sur laquelle s'échafauderait le raisonnement.
    Une longue promenade le conduisit au-delà du boulevard, vers l'Observatoire. Il savait y trouver une entrée des carrières qui abondaient dans le quartier. L'heure tardive incita le portier à rechigner à l'idée de guider un nouveau visiteur, mais la qualité de celui-ci et la promesse d'une récompense substantielle levèrent bien vite ses hésitations. Ils s'enfoncèrent dans la cité des ténèbres, s'engageant dans un labyrinthe compliqué. Le risque de se perdre était grand et le portier multipliait les mises en garde. Nicolas, que l'enfermement oppressait, appréhendait, surtout que les flambeaux ne s'éteignissent, les plongeant dans l'obscurité. Il découvrait avec stupeur une immense cité souterraine forte de rues, de carrefours et de places aux formes tourmentées. La plupart des galeries s'élevaient et s'abaissaient, quelquefois au point d'obliger à se courber. Des stalactites apparaissaient par endroits, et le portier hâbleur prétendait que la rivière passait au-dessus de leurs têtes. Nicolas, qui mesurait fort bien le chemin parcouru, en doutait fort.
    Des années durant, il avait entendu évoquer le péril permanent que faisaient peser ces gouffres sur la ville en surface : elle s'appuyait sur eux depuis tant de siècles, récupérant au jour ce qu'elle empruntait à la terre. Il nota les piliers à moitié écrasés sous le poids qui les pressait et qui menaçaient de s'effondrer 69 , ainsi que les doubles carrières sur lesquelles portaient à faux les piliers de l'étage supérieur.
    Il engagea la conversation avec son guide. Il apprit que des familles, parmi les plus pauvres, se réfugiaient dans ces lieux, en particulier pendant les grands froids de l'hiver. D'autres s'y dissimulaient et ne sortaient que la nuit pour se ravitailler ou pour s'y livrer au crime. Il s'agissait de personnes évadées, de déserteurs et de tout un ramas de filous qui constituaient dans des recoins mystérieux une vraie cour des miracles. L'homme baissa la voix pour évoquer aussi les rumeurs sur des réunions plus étranges de groupes se livrant à des pratiques réprouvées. Nicolas tenta de le pousser plus avant, sans succès.
    Cette visite lui permit à la fois de mesurer les dangers de cet enchevêtrement de galeries superposées, mais aussi d'être alerté sur l'utilisation que certains pouvaient en faire. Il y allait de la sûreté de Paris que le détail de cet ensemble souterrain fût dûment relevé par les ingénieurs du roi, qu'on en dressât un plan précis, que les faiblesses de structure fussent identifiées et qu'un contrôle s'exerçât sur la faune inquiétante qui la hantait. Pour son enquête présente, cette visite confirmait en tout cas la vraisemblance des bruits rapportés par Rabouine sur l'utilisation particulière que certains faisaient de la discrétion et de la complexité de ces gouffres.

    Il retrouva M. de Noblecourt qui lisait Monluc. Mouchette l'escalada avant de trouver sa place préférée sur ses épaules.
    — Je reviens des enfers, dit-il simplement.
    — M. de Sartine a raison, sourit Noblecourt, vous déclenchez des catastrophes. Toute la rue Montmartre ne parle que de la grand'messe de ce matin et du surgissement intempestif du diable sous l'appétissante forme d'un bœuf gras abruti et furieux. Cela mériterait, je pense, que fût gravée dans le marbre, en lettres dorées, une belle formule lapidaire que nous demanderons à Louis de nous traduire, du genre : Ici Nicolas Le Floch vainquit le Minotaure, ajoutant cet exploit à ses nombreux travaux !
    — Moquez-vous, je vous ai bien vu sautant comme un jeune homme par-dessus votre banc ! Quant à moi, après avoir affronté la bête, j'ai dû subir les tourments du labyrinthe et l'effroi de la claustration !
    Il conta sa descente aux carrières de l'Observatoire.
    — Ce furent toujours, dit Noblecourt, des endroits propices à toutes sortes de pratiques et le théâtre privilégié de réunions maléfiques. Le Régent d'Orléans y tenta un jour d'y faire apparaître le démon. Cela me

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