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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et une prime exceptionnelle !
    — Le despotisme est fécond en primes d'immoralité, dit Bourdeau mi-figue mi-raisin.
    — Il arrive, dit Nicolas, que les hommes que l'on croit sans principe soient fortement imprégnés de la religion de l'efficacité, monsieur l'inspecteur. Nous t'écoutons, Rabouine.
    — Il se trouve que Sa Grandeur, le duc de la Vrillière, depuis quelques mois, découche de sa demeure…
    — Ça n'est pas nouveau. Il y a eu la Belle Aglaé et d'autres impures en nombre auparavant.
    — Peut-être, continua Rabouine, mais il se fait conduire la nuit à des endroits différents, renvoie son équipage et disparaît. Cela intrigue fort ses gens qui ont essayé de le suivre sans y parvenir. Cela signifie en tout cas que ledit ministre ne possède aucun alibi pour les trois meurtres sur lesquels nous enquêtons.
    — Peste ! s'exclama Bourdeau alarmé. Nous savons que ces crimes sont reliés les uns aux autres et qui sait les horreurs qui ont pu être commises avant que notre attention soit appelée à l'hôtel Saint-Florentin ?
    — C'est dire aussi, ajouta Nicolas, l'importance de votre mission. Il faut, mon cher Pierre, savoir coûte que coûte si cette chemise est bien celle du ministre.

    Nicolas demeura seul dans le bureau de permanence. Cet entracte lui était nécessaire pour faire le point sur l'enquête. Il reprit son petit carnet noir. Au fur et à mesure de sa lecture, il notait sur une feuille volante des points particuliers qu'il souhaitait rassembler en une liste qui, espérait-il, le conduirait à discerner une ligne intelligente et logique vers la vérité. Il en était arrivé à un point où toute avancée dans la compréhension des choses ne pourrait être suscitée que par une manifestation brutale et volontaire de l'autorité. Plus il relisait ses notes et plus il se rendait compte que les témoignages recueillis lors du meurtre de Marguerite Pindron à l'hôtel Saint-Florentin avaient biaisé son regard, trompé sa perspicacité et désorienté sa démarche. Oui, il allait falloir repartir des origines et pousser les témoins incertains dans leurs retranchements. Or, le temps lui manquait d'user de la persuasion. Quelque éloigné qu'il fût des moyens de coercition que la justice pouvait mettre en branle et que Sanson et ses aides pouvaient appliquer, il croyait que la menace de la question devait suffire sans doute à convaincre les plus entêtés. Une seule chose le retenait d'y avoir recours : étant enclin à penser que la question finissait par faire un coupable, il craignait que sa menace ne fît de même. Finalement, il se décida pourtant à utiliser cette tromperie et réfléchit aux moyens les meilleurs et les plus convaincants pour la mettre en scène. Il lui restait désormais à choisir les témoins auxquels il ferait subir cette épreuve. Il était inutile de s'en prendre à tous. D'ailleurs, comment traiterait-il la duchesse de la Vrillière dans une salle de torture ? Il suffisait de bien désigner ses cibles. S'il existait une fausse construction dans la relation des faits, et dans leur chronologie, un seul élément cédant ferait choir l'ensemble. Il lui semblait qu'Eugénie Gouet, première femme de chambre de la duchesse, était un élément de choix dans cette stratégie. Ce serait une jouteuse à sa mesure. Ensuite, un interrogatoire en règle de Jacques Blain, le concierge amoureux de Marguerite, ne manquerait pas d'intérêt. Une remarque de Bourdeau lui revenait à l'esprit : pourquoi un civet de trois lapins sans ajout du sang dans la sauce ? Enfin, une aimable conversation avec la petite Jeannette Le Bas permettrait peut-être d'en savoir plus sur la vie de Marguerite Pindron. En fait, Nicolas espérait de tout cela une accélération du mouvement, qu'un fil tiré dans la trame du crime en vienne, de proche en proche, à détricoter l'ensemble.
    Il résolut de se donner quelques instants de répit, ne pouvant, dans l'immédiat, rien entreprendre de décisif. La sagesse impliquait qu'il attendît le résultat des missions demandées à ses gens. La journée s'avançait et la faim se faisait sentir. En sortant de l'antique prison, l'activité fiévreuse des alentours le saisit et, bientôt, l'odeur qu'exhalait une marmite en plein air où nageaient des chapons au gros sel le tenta. Il engloutit avec gourmandise un bol de ce bouillon agrémenté de morceaux de chair. Les grains de sel craquaient sous la dent, il ferma les yeux : le

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