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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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travaux des grands chemins à corvée, où l'on forçait le labeur et la subsistance des journaliers au-delà de l'imaginable, les entraînaient au désespoir ; ils prenaient le parti de se réfugier dans les villes, où ils venaient grossir la masse des indigents. Nicolas le constatait depuis des années : une grande partie d'entre eux alimentait les hordes de tire-laine, de vide-goussets, parfois d'assassins, qui finiraient dans les geôles, à la chaîne des galères du roi ou, pire encore, pitoyables silhouettes des fourches patibulaires et des échafauds.
    Il fit obliquer sa voiture vers Popincourt. Dès que l'on quittait la voie principale, l'animation laissait place à une atmosphère plus provinciale, celle d'un gros bourg campagnard. L'espace plus ouvert était partagé entre des ateliers, des boutiques d'ébénistes et d'artisans, des fabriques de meubles séparées les unes des autres par des jardins et des fermes. La chaude et lourde odeur de fumier imprégnait l'air, chassant les puanteurs de la ville. Nicolas remarqua une triste cohorte de vaches aux flancs couverts de boue et de purin. Promises aux abattages des boucheries, elles étaient conduites vers les barrières.
    Des meubles étaient proposés à la convoitise des chalands sur le bord du chemin. Nicolas se souvint avec aigreur d'avoir un jour acheté un petit bonheur-du-jour dans un de ces ateliers. M. de Noblecourt, curieux, avait même gravi un étage pour l'admirer. Sa réaction avait déçu Nicolas : que signifiait son petit rire étouffé ? Il était si heureux d'un achat dont le prix lui avait paru raisonnable que son étonnement fut grand quand, quelques semaines plus tard, le secrétaire s'était bêtement décollé, laissant choir ses panneaux. Les escrocs et faiseurs se comptaient par légion et portaient préjudice à de vrais et scrupuleux artisans honneur de leur corporation et vrais artistes du meuble. Le rebut du métier continuerait à fabriquer à tout-va des édifices fantômes qui, à peine sortis de la fabrique, se révéleraient, au bout de vingt jours, boiteux, caducs et vermoulus.
    Dans une petite impasse plantée de tilleuls, il finit par découvrir un ensemble de bâtiments rustiques environnés d'étables, de jardins et de vergers. Une commère, assise sur une borne, le considérait avec curiosité et lui confirma qu'il se trouvait bien devant la maison du père Longères. Il descendit du fiacre et régla sa course au cocher, qui tenait obstinément son chapeau tiré sur le visage. Nicolas observa que la voiture portait le numéro 34, suivi d'un N et des deux PP majuscules réglementaires sur fond blanc. Il rit de la coïncidence de voir mêler l'initiale de son nom de baptême à son âge. Il balança pour savoir s'il signalerait au bureau des transports l'état de saleté de la voiture. Pourtant, il décida d'oublier la chose, eu égard à cette immatriculation favorable. Il avait la faiblesse de croire aux signes et, tout bon Parisien qu'il se prétendît, son âme celte affleurait souvent.
    Il pénétra prudemment dans la ferme, soucieux de ne pas provoquer un méchant chien jaune qui aboyait en tirant sur sa corde. Un homme âgé et voûté surgit d'un appentis. Il présentait un visage buriné et tanné. Une couronne de cheveux blancs clairsemés encadrait un crâne tavelé de taches brunes. Il portait une veste brune à boutons de corne, une culotte en drap gris, des bas de laine écrue et de solides galoches ferrées. Appuyé des deux mains sur un bâton noueux, il regardait l'intrus sans proférer une parole. Nicolas feignit le plus grand détachement et l'interrogea l'air innocent.
    — Sauriez-vous, monsieur, m'indiquer où je peux trouver M. Longères ?
    L'homme cracha de côté.
    — C'est-y le jeune ou le vieux à qui vous en voulez ? Car si c'est le vieux, vous l'avez devant vous.
    Il frappa du pied avec colère sur le sol battu de la cour.
    — Ça n'est pas encore, jarnié, cette affaire qui recommence ! Puisqu'on vous dit qu'on y a mis bon ordre. J'aurais pourtant bien cru que le commissaire était satisfait. C'est tout au détriment à notre endroit, des coups comme cela. Pour tout vous dire, c'est moi-même qui vais contrôler et, en plus, le coup ne me rend pas populaire en dépit de mes cheveux blancs…
    Il jeta une pierre à son chien qui hurlait.
    — La paix, Sartine !
    Il regarda Nicolas en dessous.
    — Y a pas offense. Celui-là aussi est un bon chien de garde.
    Il s'esclaffa

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