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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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qui avait soigné M. le procureur, lors de son agression 33 . Dieu soit loué, M. Dienert se trouvait chez lui rue Montorgueil, et il est accouru aussitôt. Il a tout d'abord craint une apoplexie. On a allongé monsieur qui avait repris connaissance. Il lui a fait prendre des gouttes d'alcali fluor diluées dans de l'eau, ainsi que de la décoction de tamarin, et serrer ses jarretières pour ralentir la montée du sang à la tête. Il est au mieux maintenant. Il a recommandé de ne point vous inquiéter avec son état, qu'il vous recevra avec M. Bourdeau, dès que vous aurez achevé de souper. Cela le réjouira.
    En dépit de cet avis, Nicolas se précipitait déjà. Catherine le retint d'un regard appuyé.
    — Toi, ne bouge bas, il se croirait au plus mal. Il n'a rien. Dieu sait que j'en connais là-dessus. Il s'est seulement trop énervé. Ça lui a bordé sur les nerfs. Bourdeau était là, il t'en dira autant.
    Il soupira se disant que la cuisinière alsacienne, ancienne cantinière des armées du roi et quelque peu sorcière, possédait l'art et la manière de soigner nombre de maux, ce dont il s'était, à maintes reprises, bien trouvé.
    — Je lui ai donné de la liqueur de contrecoup, celle que tu connais ! lui souffla-t-elle à l'oreille.
    Il monta se changer après cette journée de courses incessantes et poursuivit Mouchette dans l'escalier dérobé qui conduisait à ses quartiers. C'était chaque fois la même chose : elle passait la tête entre chaque barreau, poussant de petits cris provocants tout en se vautrant sur les marches. Elle bondissait plus haut dès qu'il faisait mine de la saisir. Une fois rafraîchi, il rejoignit l'office et surprit un singulier spectacle.
    Bourdeau sautillait sur place en poussant des gémissements. Il posait sur la grande table de l'office des petits pains gonflés tout fumants, qui exhalaient une appétissante odeur. Une fois son fardeau aligné, il soufflait sur ses doigts endoloris, les frottait contre le vaste tablier enveloppant sa bedaine. Catherine s'affairait devant le four du potager. Le nez de Nicolas frémit : le parfum de la volaille rôtie lui fit sentir combien il avait faim.
    — Ouh ! Ouh ! gémissait l'inspecteur. C'est plus chaud que chaud.
    — Tes bestioles baraissent cuites, dit Catherine. Je zors la terrine.
    — De grâce, ne soulève pas le couvercle : le succulent s'échapperait en vapeur ! Il faut les abandonner et les laisser refroidir dans leur jus.
    — Marie, Josèphe ! s'écria Nicolas. Quel festin apprête-t-on ici ? Voilà donc quelque annexe gourmande de Ramponneau 34  ! Sommes-nous transportés dans l'office de Gargantua ou dans sa « cave peincte » de Chinon ?
    — Il ne croit pas si bien dire ! s'exclama Bourdeau, ravi.
    Marion mit un doigt sur les lèvres.
    — Mon Dieu, que vous êtes bruyants ! Vous allez nous réveiller Monsieur.
    — Un mien cousin de Chinon nous visite, expliqua l'inspecteur. Comme il y avait agapes prévues et que je ne voulais point prendre par surprise Marion et Catherine, j'ai pillé les préparatifs de Mme Bourdeau et j'ai apporté le nécessaire. Catherine m'a prêté la main pour faire les pâtons et les cuire.
    — Les pâtons ?
    — Oui, les voici tout chauds. On nomme cela des « fouées » chez moi.
    Bourdeau tira de sous la table un vaste panier d'osier duquel il sortit un pot de terre fermé d'un papier huilé noué d'une paille et trois flacons de vin.
    — La fouée, reprit-il, c'est comme du pain, mais bien meilleure. De la farine de meule, du levain, du sel, de l'eau. Un bon pétrissement suivi d'un petit repos. Il vous reste à former les pâtons à la main, hop, au four ! Cela feint d'ignorer la chaleur, ça bouge, frémit, se soulève, gonfle, forme des bulles, monte, s'affaisse, remonte, se détend, dore enfin. On les retire, on se brûle les doigts. Voilà toute l'histoire !
    Il saisit l'une de ces gâteries, la fendit d'un coup de couteau et ouvrit le pot de terre. Une couche de gras d'un blanc immaculé apparut. Il la dégagea pour sortir une effilochée de rillettes dont il farcit le petit pain. Nicolas salivait rien qu'à observer l'opération. Il n'en fit qu'une bouchée : c'était à fondre de plaisir, tant l'ensemble mêlait le croustillant et le moelleux. La chaleur ameublissait la chair qui humectait de ses sucs la fine mie du pain.
    — Le secret des bonnes rillettes, précisa Bourdeau les yeux baissés, réside dans l'appariage des morceaux

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