Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
de porc utilisés. Celles-ci sont de mon cru. J'y mets de la palette, de l'échine, du filet, de la poitrine. Du sel, du poivre, des herbes, des épices, sans les pleurer. Et mon secret, que je vous livre, une cuillerée de miel et une giclée de vin blanc ! De l'eau à niveau, et je laisse clapoter pendant six heures. Le tout refroidi, je le triture et mélange la viande et le gras.
    — Vous êtes un saint homme, mon cher Pierre…
    Bourdeau se remit à farcir les pâtons.
    — Et vous pratiquez la multiplication des fouées !
    — En effet, proclama soudain une voix sépulcrale, c'est un véritable « conte de fouées » !
    M. de Noblecourt venait d'apparaître drapé dans une robe d'intérieur en indienne lie-de-vin, le chef couvert d'un madras noué.
    Chacun rit et se récria. On avança un fauteuil dans lequel l'arrivant se laissa choir en majesté. Marion se mit à déplorer à grands cris son imprudence, mais Catherine, ravie du tour que prenait la soirée, calma la vieille gouvernante.
    — J'ai grand faim, dit Noblecourt. La chambre s'emplissait peu à peu de parfums suaves qui chatouillaient mon nez. La truffe de Cyrus aussi, je crois !
    Le chien, couché sous le fauteuil, jappa joyeusement à la voix de son maître ! Bourdeau et Nicolas s'installèrent à leur tour. De nouvelles fouées furent préparées, que le magistrat engloutit. Il réclama du vin.
    — D'où provient ce nectar ?
    — D'un petit clos bien exposé, couvert de gravier à silex. Il y pousse, entre les pieds de vignes, de petits pêchers. Leurs fruits à chair blanche et rosée éclatent d'un jus épais et savoureux…
    — En fait de fruits, reprit Noblecourt, ce soir, foin de pruneaux et de tisane de sauge. Je mange et je bois. Ce bon M. Dienert croit-il que je puisse ignorer qu'il pensait à une apoplexie ? Pourquoi en serais-je à vivre d'aliments légers et peu nourrissants, à me priver de liqueurs fortes, d'aliments épicés et de haut goût ? Désormais, je vais bâfrer, rechercher les passions violentes, la trop grande chaleur comme le trop grand froid !
    Il jeta sur l'assistance un regard provocant.
    — Yo, yo, fit Catherine en applaudissant. Là où il y a de l'abbêtit, il n'y a bas de danger !
    — En vérité, dit le procureur, le bonheur de me trouver au milieu de mes amis tempère mon agacement.
    — Contez-nous donc cela, demanda Nicolas. Rien n'est plus favorable pour calmer le tempérament et dissiper un souci que de se lâcher à en discourir librement.
    — Voilà une parole pénétrée de bon sens. Vous savez tous que je suis marguillier de Saint-Eustache, ma paroisse, le doyen du conseil. À six heures de relevée, je m'y trouvais donc devisant des affaires de la fabrique. Surgit un certain Bouin qui exige d'être entendu sur-le-champ. Il fait tant de tapage que nous finissons par le recevoir. Tout gonflé de morgue, il se présente comme ancien timbalier de la compagnie des gendarmes du roi.
    — Il y a celle-là, intervint Nicolas, plus quatre compagnies de gardes du corps : Charost, Noailles, Villeroi et d'Harcourt.
    — Il a poursuivi d'un ton pointu et nous a bellement signifié que le roi ayant accordé, par l'édit de 1756, droit de commensalité aux timbaliers de ses gendarmes après vingt ans de service, ce dont pouvait s'enorgueillir le susdit Bouin, il devait en conséquence jouir des honneurs, prérogatives, privilèges, franchises, libertés, gages, droits, fruits et profits, revenus et émoluments de sa qualité. Il a farci son dire de propos qui ont soulevé l'ire de l'assemblée, j'en passe des plus hardis.
    — C'est la journée des chicaneaux, soupira Nicolas.
    — Et des crapauds qui se veulent enfler, ajouta Noblecourt dont l'oreille demeurait fine. Sans desseller, d'une même haleine, il nous a fait sommation à nous, compagnie des marguilliers de l'église Saint-Eustache, de le faire user de la plénitude des honneurs, avec préséance aux assemblées immédiatement après les magistrats du roi, et privilège de se voir apporter par lesdits marguilliers… par nous-mêmes, le croiriez-vous…
    Il s'étranglait de colère, se frappait la poitrine de ses poings refermés au point que Mouchette le rappela à plus de mesure par un coup de patte appuyé, ultime avertissement de la charmante féline avant une rétorsion plus griffante.
    — Paix ma belle ! Ce n'est pas contre toi que j'en ai, ma mignonne. De se faire apporter, disais-je, par les marguilliers et se

Weitere Kostenlose Bücher