Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
très parfumées et donne des fruits en forme de gousse. Mais que me vaut l'honneur de votre visite, monsieur le marquis ?
    Nicolas agita la main comme s'il chassait une mouche importune.
    — Ce n'est pas le marquis, c'est le commissaire au Châtelet qui a recours à vous. Sa Majesté s'est inquiétée auprès de son lieutenant général de police d'un étrange intermède que la reine lui a rapporté. Ces visiteurs dans les jardins rencontrés par vous et dont vous avez signalé la présence. Pourriez-vous me relater les faits avec la plus exacte précision ?
    Richard saisit une longue canne sur laquelle il s'appuya et entraîna son hôte vers un banc de bois où il se laissa lourdement tomber.
    — L'automne ranime mes douleurs, surtout quand je reste immobile, commença-t-il. Voilà. Le 10 août dernier, nous traversions, mon fils et moi, les jardins, vers l'allée de la promenade, quand nous avons croisé deux femmes. Même sans qu'elles nous interpellent, nous aurions été étonnés de les voir.
    — Comment cela ?
    — Leur tenue, monsieur le marquis, leur tenue ! Nous sommes ici loin des modes, mais jardié, nous croisons la reine et ses femmes, sans les yeux dans les poches. Jamais nous n'avions vu pareille vêture. Des robes informes, sans apprêt ni corps, des chemises avec des manches enflées comme des outres, des chapeaux carrés couverts d'étamine… Des lunettes… Et un accent, un accent…
    — Elles vous ont parlé ?
    — Oui, avec cet accent qui m'a rappelé des visiteurs anglais qui abondent ici depuis la paix.
    — Savez-vous dessiner, monsieur Richard ?
    — Il faut bien dans mon art.
    — Pourriez-vous esquisser ces silhouettes étranges ?
    — Certes.
    Le jardinier sortit de sa poche un papier plié et un morceau de fusain avec lequel il s'escrima quelques minutes. Nicolas considéra avec perplexité les deux formes, criantes d'une vivante vérité. Elles ne ressemblaient à rien de connu. Au cours de son récent séjour à Londres, il n'avait croisé aucune figure de cette nature.
    — Que vous ont-elles demandé ?
    — La direction du château et le moyen d'y parvenir.
    — C'est tout ?
    — Rien d'autre, et elles ont disparu.
    — Disparu ? Elles se sont retirées, éloignées…
    — Que non pas ! Je dis bien : disparu. Le commun, vous le savez, a accès aux jardins. Je m'en inquiète parfois pour mes fleurs et la tranquillité de la reine. Aussi ai-je voulu connaître où se rendaient vraiment les visiteuses. Or, au détour de l'allée… Mais mon fils peut vous le confirmer. N'est-ce pas, Antoine ?
    Le jeune homme opina fermement de la tête.
    — Mon père dit vrai, monsieur le marquis, elles n'existaient plus là où elles se trouvaient auparavant.
    — D'ailleurs, reprit le père, un de mes aides qui venait en sens contraire ne les a pas croisées.
    — Faisait-il chaud ?
    Nicolas songeait à certains récits de Semacgus sur les phénomènes de mirages par temps chaud et sec dans les déserts. Cependant, les mirages ne parlent pas et ne demandent pas leur chemin.
    — Cela s'est produit à quatre heures de relevée. Le soleil pesait encore beaucoup.
    Nicolas réfléchit à nouveau.
    — Les avez-vous revues ?
    — Jamais, à ce jour.
    — Si quelque chose se produisait, je vous prie de me faire appeler aussitôt. Je vous remercie de ces précisions et j'emporte votre croquis 53 .
    Nicolas était perplexe. Il tenait le bonhomme Richard pour une personne d'expérience et de sens rassis. Son témoignage s'avérait recevable, même s'il conduisait à une impasse de la raison. Au fond de lui-même, Nicolas ne pouvait s'empêcher de relier cette affaire à la présence de lord Aschbury à Versailles. Pourquoi ? Il ne le savait pas lui-même. Certes, la paix régnait depuis des années entre les deux nations, mais c'était une paix armée toute bardée de circonspection et de méfiance réciproques. Les Anglais soupçonnaient la France de nourrir des pensées de revanche. Cette hantise s'exacerbait à chaque nouvel épisode de la révolte des colonies américaines. Il était bien placé pour savoir qu'il y avait quelque fondement à cela et que Naganda ne parcourait pas sans relâche les territoires indiens uniquement pour trouver de nouveaux terrains de chasse au caribou ou au castor.
    Les interrogations se multipliaient : pour autant que ces deux femmes aient nourri de perfides intentions à l'encontre de la reine, pour quelles raisons se faire

Weitere Kostenlose Bücher