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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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dernier. Dieu, que les nouvelles sont lentes à nous parvenir et toujours par routes inhabituelles !
    — La routine habituelle est un mal inévitable, hélas !
    Le roi s'esclaffa, redevenant soudain jeune homme.
    — Voilà une équivoque que je répéterai. Mon propos traitait seulement des voies inhabituelles et détournées.
    — Que Votre Majesté me pardonne, dit Nicolas riant à son tour.
    — Point du tout, je vous suis reconnaissant de cette distraction. Je comprends que mon grand-père vous appréciait pour cela également. Votre ami s'apprêtait à rejoindre la Cochinchine après avoir tenté d'assurer son autorité sur les franciscains. Nous lui souhaitons du plaisir, avec ces bienheureux-là qui voudraient tenir la place à eux seuls ! A-t-il du caractère au moins ?
    — Du plus trempé, sire, sous l'onction d'un esprit fin et orné.
    — Monsieur, dit le roi en hésitant un peu, j'apprécie votre jugement et votre connaissance des hommes. Promettez-moi de nous dire toujours la vérité. J'ai besoin autour de moi d'honnêtes gens. Il faut m'aider…
    La sensible et franche nature de Nicolas fut touchée par cet appel si simplement exprimé. Il se jeta aux pieds du roi qui le releva rouge d'émotion et le reconduisit avec un naturel désarmant jusqu'au petit escalier. Confus, Nicolas tenta sans succès de se retirer à reculons comme l'exigeait l'étiquette. Il redescendit comme au milieu d'un rêve et se retrouva, après les dédales des couloirs, dans les jardins. Pour émouvante qu'elle fût, la simplicité du souverain n'allait pas sans questions. Pour Nicolas, elle élevait l'homme privé, mais qu'en était-il du souverain symbole de l'État. Respectait-on autant ce qu'on connaissait trop bien ? L'amour de la royauté imposait un respect sans bornes des formes. L'obéissance extrême aussi bien que la plus humble soumission ne recelaient d'ailleurs rien de servile quand elles s'adressaient à celui qui, représentant de Dieu sur la terre, serait un jour prochain sacré à Reims.

    Il se dirigeait maintenant vers Trianon, appréhendant de retourner dans ce lieu où, quelques mois auparavant, appuyé sur son bras, le feu roi était monté dans sa voiture pour rejoindre le château une dernière fois. L'automne nimbait le parc de mélancolie ; l'odeur pénétrante des buis s'élevait des massifs ordonnés. Parvenu sur le vaste perron du château, Nicolas s'orienta. À sa gauche s'ouvrait une courte allée que terminait un escalier conduisant à la porte de la chapelle. Un homme y travaillait à ramasser les feuilles mortes. Nicolas l'interrogea pour savoir où se trouvait son chef. On lui indiqua la serre chaude à l'opposé de la chapelle. Nicolas longea la façade du château pour rejoindre le bâtiment où Louis XV s'évertuait à faire venir des espèces exotiques. Saisi dès l'entrée par la touffeur humide de cette masse de verdure enfermée, il aperçut, penchés sur un établi, deux hommes en lévites brunes. S'approchant, il reconnut, dans le plus âgé, Claude Richard, le jardinier en chef qu'il avait naguère maintes fois croisé. Le second devait être son fils. Une chose, cependant, l'intriguait : leur tenue. Il était accoutumé à rencontrer Richard en livrée du roi, rouge, blanc et bleu. La jeune reine disposant désormais du petit Trianon, ils auraient dû revêtir sa livrée, rouge et argent. Il comprit soudain que ces deux vieux serviteurs portaient à leur façon le deuil de leur maître. Le jardinier releva la tête, mécontent d'être ainsi dérangé ; son fils, tout entier à l'opération de plantation d'une sorte de bouture, ignora l'arrivant, Claude Richard fixait Nicolas de ses yeux gris délavé, dans un visage tanné par les intempéries.
    — Monsieur, dit-il, je crois vous reconnaître. Je vous ai vu plusieurs fois avec le roi, enfin notre défunt maître…
    Nicolas fut ému de cette fidélité si sobrement exprimée.
    — Il vous appelait le « petit Ranreuil », reprit Richard avec un sourire.
    — Votre mémoire est bonne. Pardonnez-moi de vous avoir distrait de votre tâche. Seriez-vous au milieu de quelque acclimatation extraordinaire ?
    — Je recueillais des drageons sur cette plante.
    Il désigna un arbuste. Nicolas l'interrogea du regard.
    — Les drageons sont des surgeons que l'on détache de la plante mère et qu'on replante.
    — Et cet arbuste ?
    — Est une sorte d'acacia, un robinier, qui produit des grappes de fleurs blanches

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