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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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chiffrement.
    Nicolas se félicitait que Sartine ne fût pas revenu sur ses obsessions politiques concernant le retour de Choiseul. Il ne se faisait guère d'illusions sur la sincérité d'un homme dont il avait maintes fois mesuré la capacité de secret et les détours manœuvriers. Qu'il lui dissimulât ses vraies raisons d'agir, son travail quotidien à ses côtés depuis tant d'années l'en avait convaincu. Sartine tenait étroitement serré sa réserve de secrets et gardait toujours, comme tout bon politique, plusieurs fers au feu. En outre, une part de son activité demeurait inconnue de son collaborateur, qui tenait à ses activités maçonniques. Son travail en loge le conduisait-il à épouser les thèses du parti philosophe ? Sacrifiait-il ainsi à l'esprit du temps, ou composait-il avec cette influence occulte pour mieux la contrôler ?
    Au vrai, ce qui attachait Nicolas à Sartine, outre une reconnaissante fidélité renforcée par les à-coups des enquêtes et des épreuves traversées ensemble, c'était la certitude que ce Français venu de Barcelone, qui n'appartenait pas à la haute noblesse – et peut-être moins que le commissaire lui-même –, manifestait à tout moment un dévouement, une passion, un amour du bien public au travers de la personne royale. L'hermine qui ornait sa simarre de magistrat ne symbolisait pas sans raison, en tant que morceau figuré du manteau du sacre, l'autorité et l'exercice d'une justice à lui déléguée par le monarque.
    Quant à Nicolas, il se sentait au-delà de tout choix politique. Le débat religieux qui traversait le siècle comme une fulgurance ne le préoccupait qu'en tant que cause de désordre public. Il s'indignait en fait du mélange des genres et de la collusion contre nature des dévots, des jansénistes et des parlements. L'opposition de ces derniers, permanente et hargneuse, un moment terrassée par la volonté impérieuse de Maupeou étayée par celle du feu roi, lui faisait craindre un avenir que la jeunesse et l'inexpérience de Louis XVI environnaient de brumes incertaines. Pour le reste, il ferait son devoir tout en essayant de demeurer honnête homme dans les compromis que son état imposait.
    Minuit approchait quand le comte d'Arranet raccompagna le ministre à sa voiture. Les serviteurs munis de torches éclairaient la scène en demi-cercle. Semacgus proposa à Nicolas de profiter de sa voiture pour rejoindre l'hôtel de La Belle Image. La Borde regagnait son domicile à Paris, où l'attendait sa jeune femme. Alors qu'il sortait de la demeure, Nicolas crut apercevoir au retour supérieur de l'escalier un visage qu'il pensa être celui d'Aimée. Les propositions de Sartine avaient plongé l'amiral dans une exaltation ravie. D'évidence, la perspective de quitter cette période d'inactivité remplissait d'aise celui qui, comme tant d'officiers généraux de son âge et ancienneté, craignait de ne plus jamais servir. Chacun promit de se revoir, et Nicolas fut prié de considérer la maison comme la sienne.
    La voiture de Semacgus s'engagea lentement dans l'allée qui conduisait à l'avenue de Paris. Au moment où elle allait franchir le porche, elle s'arrêta brusquement.

    Vendredi 7 octobre 1774
    Des voix très lointaines résonnaient dans sa tête. Elles s'atténuèrent pour revenir plus nettes. Une sorte d'oppression pesait sur sa tempe gauche. Où se trouvait-il ? Dans quelle sorte de rêve ? Il ne parvenait pas à soulever ses paupières, trop lourdes… Une invincible envie d'abandon s'emparait de lui, un lent tourbillon vers un trou sans fond. S'enfoncer, s'enfoncer toujours…
    — Diable ! Le voilà qui défaille derechef. Repassez-moi le vinaigre, mademoiselle.
    — Heureusement, dit Arranet, qu'il a la tête dure et que le coup a manqué. Et que vous êtes là, mon cher Semacgus.
    — C'est mon cocher qu'il faut féliciter ; il a eu le bon réflexe, sans lui nous veillerions un mort !
    — Assassiner mes hôtes, à ma porte, à Versailles ! Cet attentat aurait-il par hasard visé le ministre ?
    — Hum ! fit Semacgus. Tout est possible. Ce n'est pas la première fois qu'on attente à ses jours. C'est une mauvaise année pour lui, c'est à bien compter la troisième fois. Ah ! le voilà qui reprend couleur.
    Nicolas ouvrit les yeux. Il était étendu sur un lit dans une chambre richement décorée. Semacgus l'observait avec inquiétude, le comte d'Arranet debout à ses côtés. Assise sur la couverture, Aimée

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