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Le Crime De Paragon Walk

Le Crime De Paragon Walk

Titel: Le Crime De Paragon Walk Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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avec douceur et s’assit à la table.
    —    Je le lui ai demandé, répondit-il. Je n’ai pas encore eu le temps de vérifier.
    —    Vérifier?
    Elle était juste derrière lui.
    —    Pour quoi faire? Vous n’avez pas confiance en lui?
    Elle comprit soudain que c’était injuste. Il ne pouvait se permettre de miser sur la confiance, et de toute façon ce n’était pas la confiance dont elle avait besoin, pas plus qu’Emily.
    —    Je suis désolée.
    Elle lui toucha l’épaule qu’elle sentit dure sous sa veste. Puis elle retourna auprès de l’évier et se pencha sur ses pommes de terre. Malgré ses efforts pour garder un ton neutre, sa voix lui parut ridiculement haut perchée.
    —    Où a-t-il dit qu’il était?
    —    A son club. La majeure partie de la soirée. Il ne se rappelle pas pendant combien de temps, ni dans quels autres clubs il a pu aller.
    Elle continua machinalement à remplir le plat de pommes de terre, de chou finement haché et de poisson qu’elle avait pris soin de napper d’une sauce au fromage. C’était une recette qu’elle venait de réussir pour la première fois. Mais maintenant, elle contemplait toute cette perfection d’un œil distrait. C’était sans doute stupide d’avoir peur. George pouvait probablement prouver avec exactitude où il avait passé sa soirée ; seulement elle avait entendu parler des clubs pour hommes, des jeux, des conversations, des gens qui buvaient ou s’endormaient carrément. Qui se souviendrait des personnes qui étaient là à telle heure, ou même tel soir? En quoi une soirée différait-elle des autres pour qu’on se la remémore avec précision?
    Certes, elle était loin de penser que George avait pu commettre ce meurtre — c’était bien moins grave que ça —, mais elle connaissait de par son expérience les dégâts que pouvait causer ne fût-ce que la suspicion. Si George disait la vérité, il en voudrait à Emily de ne pas le croire immédiatement et sans condition. Et s’il s’était dérobé, s’il avait caché quelque chose, comme une amourette, une virée débridée, des excès dus à la boisson, alors il allait se sentir coupable. Un mensonge en appellerait un autre, et Emily, dans son désarroi, finirait peut-être par le soupçonner du crime lui-même. La vérité était parfois lourde d’innombrables bassesses. Et nul ne pouvait prévoir les souffrances engendrées par la mise au jour des mille petites duperies qui facilitaient l’existence et vous permettaient d’occulter ce que vous préfériez feindre d’ignorer.
    —    Charlotte !
    La voix de Pitt résonna derrière elle. Elle se força à chasser ses craintes et servit le dîner, posant une assiette devant lui.
    —    Oui? fit-elle innocemment.
    —    Ça suffit maintenant !
    Inutile de chercher à le tromper, même en pensée. Il lisait trop clairement en elle. Elle s’assit avec sa propre assiette.
    —    Vous prouverez dès que possible que ce n’est pas George, n’est-ce pas? demanda-t-elle.
    Il tendit la main par-dessus la table pour toucher la sienne.
    —    Evidemment. Sitôt que j’en aurai l’occasion, sans donner l’impression de le soupçonner.
    Cette idée ne l’avait même pas effleurée ! Mais oui, bien sûr... s’il commençait par George, ce serait encore pire. Emily penserait... Dieu seul savait ce qu’Emily allait penser.
    —    J’irai voir Emily.
    Elle piqua une pomme de terre avec sa fourchette et la découpa vigoureusement, rapetissant inconsciemment les morceaux comme si elle dînait déjà à Paragon Walk.
    —    Elle n’arrête pas de m’inviter.
    Elle se mit à réfléchir à ce qu’elle porterait pour la circonstance. Si elle y allait le matin, sa robe grise devrait suffire. La mousseline était de bonne qualité; la coupe datait de l’année précédente, mais cela ne se voyait pas trop.
    — Après tout, il faut bien que quelqu’un y aille, or maman est retenue par la maladie de grand-mère. Oui, je trouve que c’est une excellente idée.
    Pitt ne répondit pas. Il savait qu’elle se parlait à elle-même.
    Charlotte avait déjà tout organisé dans sa tête. Sitôt Pitt parti, elle rangea la cuisine et mit à Jemima l’une de ses plus belles robes, en coton, bordée de dentelle que Charlotte avait soigneusement récupérée sur l’un de ses vieux jupons. Lorsqu’elle fut prête, Charlotte la prit dans ses bras et traversa la rue chaude, poussiéreuse, pour

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