Le Crime De Paragon Walk
irritée.
Pitt sourit, sans se départir de son sérieux, mais pour montrer à Afton qu’il avait compris.
— Tout à fait, confirma ce dernier. Il a quitté la maison vers six heures, disant qu’il serait là pour le dîner.
— Mais il n’a pas précisé où il allait?
-— S’il l’avait fait, inspecteur, je vous l’aurais dit !
— Et il n’est pas revenu, personne ne l’a revu depuis ?
Afton le fusilla du regard.
— Quelqu’un a dû le voir, j’imagine.
— Il aurait pu aller jusqu’au bout de la rue et prendre un cab. Ce n’est pas ce qui manque par ici.
— Pour aller où, nom d’une pipe?
— Eh bien, s’il est toujours à Paragon Walk, Mr. Nash, alors où est-il ?
Une lueur de compréhension perça dans le regard d’Afton. Apparemment, il n’y avait pas songé, mais il n’existait dans les parages ni rivières, ni puits, ni bois, ni jardins assez spacieux pour y creuser un trou discrètement, ni granges ni celliers abandonnés. Et il y avait toujours des jardiniers, des valets, des majordomes, des filles de cuisine ou des grooms pour relever les traces. Il n’y avait nulle part où dissimuler un cadavre.
— Trouvez celui dont l’équipage a quitté Para-gon Walk ce soir-là ou bien le lendemain matin, ordonna-t-il hargneusement. Fulbert n’était pas très grand. N’importe qui aurait pu le transporter en cas de besoin — sauf peut-être Algernon —, surtout s’il était déjà inconscient ou mort.
— J’en ai bien l’intention, Mr. Nash, répondit Pitt. Ainsi que d’interroger les cochers de fiacre, les garçons de course, envoyer des instructions à tous les postes de police, transmettre son signalement à toutes les gares et plus particulièrement à la gare maritime du ferry en partance pour le continent. Mais ça m’étonnerait qu’on découvre quelque chose. J’ai déjà entrepris des recherches dans les hôpitaux et les morgues.
— Il est bien quelque part, nom de Dieu ! explosa Afton. Il n’a pas pu se faire dévorer par des fauves en plein centre de Londres ! Faites ce que vous voulez — je suppose que vous n’avez pas le choix —, mais vous irez plus vite en posant quelques questions gênantes ici même. Quoi qu’il lui soit arrivé, c’est en rapport avec Fanny. J’ai certes très envie de croire qu’il s’agit d’un cocher ivre de la réception des Dilbridge, mais ce serait abuser de la crédulité des gens. Car si c’était le cas, Fulbert ne l’aurait pas su et n’aurait pas représenté une menace pour l’individu en question.
— A moins qu’il n’ait vu quelque chose.
Afton le toisa avec une ironie glacée.
— Ça m’étonnerait, Mr. Pitt. Nous avons passé la soirée ensemble à jouer au billard, comme j’ai dû vous le dire quand vous m’avez interrogé la première fois.
Pitt soutint son regard avec un calme olympien.
— Si j’ai bien compris, monsieur, après vous avoir entendus l’un et l’autre, Mr. Fulbert avait quitté la salle de billard au moins une fois. N’aurait-il pas pu, en passant devant une fenêtre, noter quelque chose de bizarre dont il aurait saisi l’importance par la suite?
Le visage d’Afton s’assombrit de colère. Il détestait avoir tort.
— Les cochers n’ont aucune espèce d’importance, inspecteur. On en voit ici tous les jours. Vous le sauriez, si vous en aviez un. Je vous conseille, pour commencer, de vous intéresser d’un peu plus près au Français. Il prétend être resté chez lui toute la soirée. Peut-être que c’est faux, peut-être est-ce lui que Fulbert a vu. Un mensonge en appelle un autre ! Il est beaucoup trop désinvolte avec les femmes. Il a réussi à tourner la tête à presque toutes les femmes de Paragon Walk. A mon avis, il est bien plus âgé qu’il ne voudrait le paraître. Il passe son temps à l’intérieur ou ne sort que le soir... mais voyez son visage en plein jour !
« Les femmes sont censées être fragiles, ne pas voir plus loin que la figure ou les manières d’un homme. Les préférences de M. Alaric allaient peut-être vers des créatures jeunes et innocentes comme Fanny. Seulement, elle n’était pas dupe de son charme. Les femmes faciles et sophistiquées dans le genre de Selena Montague l’ennuient probablement. Si Fulbert l’a senti et a commis l’imprudence de laisser entendre à Alaric qu’il l’avait aperçu dehors...
Il renifla violemment
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