Le Crime De Paragon Walk
quelque chose de plus intime, de plus viscéral.
Mais il ne s’attendait guère à trouver cela à Paragon Walk.
Il y avait aussi la possibilité que ce ne fût ni fuite ni suicide, mais un nouveau meurtre. Fulbert en savait peut-être trop et avait commis la sottise de le dire? Peut-être même avait-il essayé le chantage et payé le prix fort pour son insolence?
Charlotte lui avait parlé de ses remarques, de leur cruauté corrosive, insidieuse, des « sépulcres blanchis ». Était-il tombé sur un secret plus dangereux qu’il ne le soupçonnait, ce qui avait causé sa mort... rien à voir avec Fanny ? Ce ne serait pas la première fois qu’un crime aurait fait germer l’idée d’un autre crime, aux mobiles entièrement différents. Il n’y avait rien de tel pour donner l’exemple qu’un succès apparent.
Pitt se devait de commencer par Afton Nash, qui avait signalé la disparition de Fulbert et qui vivait sous le même toit que lui. Il avait déjà envoyé ses hommes se renseigner dans les clubs et autres établissements, où l’on trouvait ceux qui cherchaient à se divertir, qui avaient bu un coup de trop ou qui souhaitaient rester anonymes pendant quelque temps.
Il fut reçu chez les Nash avec une politesse glaciale et conduit au petit salon où, quelques minutes plus tard, Afton fit son apparition. Il avait l’air fatigué; l’irritation avait creusé des rides autour de sa bouche. Affligé d’un rhume de cerveau qui l’obligeait à se tamponner le nez en permanence, il considéra Pitt d’un air peu aimable.
— Je suppose que vous êtes là pour mon frère? fit-il en reniflant. Je ne sais absolument pas où il est. Il n’a manifesté aucune intention de partir.
Il grimaça.
— Ni aucun signe de peur.
— Peur?
Pitt voulait lui laisser le champ libre pour entendre tout ce qu’il avait à dire.
Afton lui lança un regard méprisant.
— Je ne vais pas nier l’évidence, Mr. Pitt. Compte tenu de ce qui est récemment arrivé à Fanny, il n’est pas impossible que Fulbert soit mort, lui aussi.
Pitt se percha de biais sur l’accoudoir d’un fauteuil.
— Pourquoi, Mr. Nash? Celui qui a tué votre sœur ne pouvait raisonnablement pas avoir le même mobile.
— Celui qui a tué Fanny a agi ainsi pour la faire taire. Celui qui a tué Fulbert, à supposer qu’il soit mort, l’a fait pour la même raison.
— D’après vous, Fulbert savait qui c’était?
— Ne me prenez pas pour un imbécile, Mr. Pitt !
Afton s’essuya à nouveau le nez.
— Si je savais qui c’est, je vous l’aurais dit. Mais on peut rationnellement supposer que Fulbert était au courant, et que c’est pour ça qu’il a été tué.
— Il nous faudra retrouver le corps ou du moins sa trace avant de conclure au meurtre, Mr. Nash, fit remarquer Pitt. Jusqu’à présent, rien ne nous indique qu’il n’a pas simplement choisi de partir.
— Sans vêtements, sans argent, seul?
Les yeux pâles d’Afton s’étrécirent.
— C’est peu probable, Mr. Pitt.
Sa voix douce trahissait sa lassitude devant tant de stupidité.
— Il a pu faire nombre de choses que nous aurions jugées improbables.
Pitt savait cependant que même en changeant radicalement de mode de vie, on avait tendance à garder ses habitudes personnelles, ses petites manies, ses goûts culinaires, ses distractions préférées. Et il doutait que Fulbert fût prudent — ou désespéré — au point de partir sans assurer ses arrières en matière de confort. Il était accoutumé à mettre des habits propres qu’un valet lui préparait tous les matins. Et, s’il comptait quitter Londres, il aurait indiscutablement besoin d’argent.
— Néanmoins, acquiesça-t-il, vous devez avoir raison. Qui est, à votre connaissance, la dernière personne à l’avoir vu?
— Son valet, Price. Vous pouvez lui parler si vous y tenez, mais je l’ai déjà interrogé, et il ne vous apprendra rien. Tous les vêtements et les effets personnels de Fulbert sont là, et, ce soir-là, il n’avait normalement pas de rendez-vous à l’extérieur.
— Autrement, son valet l’aurait su, puisqu’il aurait dû sortir une tenue pour Mr. Fulbert, ajouta Pitt.
Afton parut légèrement surpris de le voir aussi bien renseigné : à l’évidence, cela l’agaçait. Il se tamponna le nez et grimaça : à force de friction, il commençait à avoir la peau
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