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Le Crime De Paragon Walk

Le Crime De Paragon Walk

Titel: Le Crime De Paragon Walk Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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Charlotte vit ses épaules trembler de rire, et le rouge du triomphe lui
monta au visage.
    Jessamyn était livide. Sa voix, lorsqu’elle parla, avait un
son grinçant.
    — Et de réceptions comme celle-ci non plus, j’imagine ?
Permettez-moi de vous donner un conseil d’amie. Il faut circuler, parler à tout
le monde. C’est l’usage chez nous, surtout si l’on est plus ou moins liée à la
maîtresse de maison. On ne doit pas afficher ses préférences pour un convive en
particulier… même si elles sont réelles !
    Le coup était magistral. Charlotte n’avait pas d’autre choix
que de partir, le cou et la poitrine en feu à l’idée qu’Alaric la soupçonne de
rechercher sa compagnie. Qui plus est, son embarras ne faisait que confirmer
cette insinuation ! Furieuse, elle se jura de le détromper : elle n’était
pas comme toutes ces sottes qui passaient leur temps à le harceler. Elle s’excusa
avec un sourire figé et s’éloigna dignement, la tête si haute qu’elle faillit rater
la marche entre les deux salles de réception. Alors qu’elle essayait justement
de recouvrer son équilibre, elle entra en collision avec Lady Tamworth et Miss
Lucinda.
    — Désolée, bredouilla-t-elle. Je vous demande pardon.
    Lady Tamworth la regarda fixement, notant sa rougeur et son
comportement maladroit. Sur sa figure, on lisait clairement ce qu’elle pensait
des jeunes femmes qui s’adonnent à la boisson en plein après-midi.
    Miss Lucinda, elle, avait d’autres chats à fouetter. Elle
empoigna farouchement Charlotte de sa petite main potelée.
    — Puis-je vous demander, strictement entre nous, ma
chère, dans quelle mesure Lady Ashworth connaît le Juif.
    Charlotte suivit son regard et vit un jeune homme mince et
très brun, au teint bistre.
    — Aucune idée, répondit-elle avec un coup d’œil sur
Lady Tamworth. Mais je peux lui poser la question, si vous le désirez.
    Elles ne se laissèrent pas décontenancer.
    — À votre place, je le ferais, ma chère. Après tout, elle
ignore peut-être qui il est !
    — Peut-être, acquiesça Charlotte. Et qui est-il ?
    Lady Tamworth parut momentanément désarçonnée.
    — Mais… il est juif, voyons !
    — C’est ce que vous avez dit.
    Lady Tamworth renifla. Le visage de Miss Lucinda s’affaissa ;
elle fronça les sourcils.
    — Vous avez de la sympathie pour les Juifs, Mrs. Pitt ?
    — Jésus-Christ n’en était-il pas un ?
    — Franchement, Mrs. Pitt ! s’exclama Lady Tamworth,
tremblant sous l’outrage. Je comprends que la jeune génération ait des valeurs
différentes de la nôtre.
    Elle fixa à nouveau le cou toujours flamboyant de Charlotte.
    — Mais je ne saurais tolérer le blasphème. Sincèrement,
non !
    — Ce n’est pas un blasphème, Lady Tamworth, fit
Charlotte d’une voix claire. Jésus-Christ était juif.
    — Jésus-Christ était Dieu, Mrs. Pitt, déclara Lady Tamworth,
glaciale. Et Dieu n’est certainement pas juif !
    Charlotte ne savait si elle devait sortir de ses gonds ou
bien éclater de rire. Heureusement, Paul Alaric n’était pas à portée de voix.
    — Ah bon ? dit-elle avec un petit sourire. Je n’y
ai jamais vraiment réfléchi. Et qu’est-Il, alors ?
    — Un savant fou, rétorqua Hallam Cayley derrière son
épaule, un verre à la main. Un Frankenstein qui n’a pas su s’arrêter à temps !
Son expérience lui a quelque peu échappé, ne trouvez-vous pas ?
    Il jeta un coup d’œil circulaire à travers la pièce. Son
visage exprimait un dégoût indicible.
    Lady Tamworth grinça des dents, impuissante : la fureur
la laissait sans voix.
    Hallam la considéra avec mépris.
    — Vous pensez réellement que c’est ce qu’il a voulu ?
    Il termina son verre et le brandit pour décrire un arc de
cercle.
    — Ce triste ramassis est-il à l’image d’un Dieu qu’on a
envie d’adorer ? Si nous descendons de Dieu, on est descendu sacrément bas.
Je préfère encore me ranger à l’opinion de Mr. Darwin. D’après lui au moins, nous
nous améliorons. D’ici un million d’années, on sera peut-être bons à quelque
chose.
    Miss Lucinda finit par recouvrer l’usage de la parole.
    — Parlez pour vous, Mr. Cayley, dit-elle avec
difficulté, comme si elle aussi avait bu. Pour ma part, je suis chrétienne et
je n’ai pas de doutes !
    — Des doutes ?
    Hallam contempla le fond de son verre vide et le retourna. Une
seule goutte tomba sur le parquet.
    — Si seulement j’avais des

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