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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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situation aussi périlleuse, avec ces longues épines qui effleuraient nos vêtements, nous menaçant de toutes parts, nous nous serions certainement arrêtés pour contempler ces représentations solaires si belles, quinze en tout. Mais nous avions envie de sortir de là et d’arriver dans un endroit où nous pourrions bouger sans crainte de nous piquer ou de souffrir d’urticaire. De plus, la nuit commençait à tomber.
    Arrivés à ce stade, nous nous demandions avec un véritable sentiment de panique ce que pouvait nous réserver la septième et dernière planète, la Lune, mais nos suppositions, aussi terribles fussent-elles, demeurèrent en deçà de l’incroyable réalité qui nous attendait. Pour commencer, la porte de pierre s’ouvrit à peine, comme si un obstacle placé derrière l’en empêchait. Mais il n’y avait rien d’autre que la haie d’en face. Le couloir était si étroit que seul un enfant pouvait passer sans se griffer. Les haies épineuses des parois et du toit avaient été taillées de telle sorte qu’elles laissaient au centre un creux de forme humaine, et nous obligeaient à marcher la tête emprisonnée par deux fines avancées de ronces qui se refermaient au niveau du cou, empêchant tout autre mouvement que la marche. Comme Farag et le capitaine se trouvaient au-dessus de la forme découpée, j’insistai pour leur donner ma veste et mon pull afin de les protéger des terribles écorchures qu’ils allaient subir, et leur demandai d’enfiler par-dessus les couvertures de survie, surtout le capitaine. Mais Farag refusa tout net.
    — Nous allons tous être griffés, Basileia  ! me cria-t-il. Tu ne comprends pas, c’est ça l’épreuve. Cela fait partie du plan. Pourquoi devrais-tu souffrir davantage que nous ?
    Je le regardai fixement en essayant de lui transmettre toute la détermination que je ressentais.
    — Écoute-moi bien, Farag, d’accord, je serai égratignée moi aussi, mais c’est beaucoup plus dangereux pour vous, si vous ne vous protégez pas !
    — Professeur Boswell, dit alors le capitaine, le professeur Salina a raison. Prenez sa veste.
    — Et les bonnets, couvrez-en votre visage.
    — Il faut les découper et faire des trous pour les yeux.
    — Toi aussi, tu mets ton bonnet, Ottavia. Je n’aime pas du tout ça…, marmonna Boswell.
    — Ne t’inquiète pas.
    Le couloir de la septième planète fut un véritable cauchemar, malgré les exclamations admiratives du capitaine qui affirmait que les symboles au sol, les croissants de lune d’argent, étaient les plus beaux de tout le labyrinthe. J’eus envie, dans mon désespoir, de me jeter contre les plantes pour en finir une bonne fois pour toutes avec ces centaines de pincements, piqûres, coupures, blessures. Mes bras, mes jambes et mes joues saignaient. Aucune laine ou tissu ne pouvait arrêter les assauts de ces dagues. J’essayai de me calmer en pensant à ce que le Christ avait enduré au Calvaire avec sa couronne d’épines, mais j’étais au bord de la crise de nerfs. Je me souviens pourtant de la main poisseuse de Farag qui saisit la mienne à cet instant. Je crois que ce fut là, alors que je ne pouvais plus contrôler mes pensées, que je compris que j’étais tombée amoureuse de cet étrange Égyptien qui m’entourait toujours de tant d’attention et m’avait surnommée « impératrice » en secret. C’était impossible, et pourtant ce que je ressentais ne pouvait être autre chose que de l’amour, même si je n’avais aucun point de comparaison dans ma vie antérieure. Car je n’avais jamais été amoureuse, pas même à l’adolescence, et n’avais jamais connu aucun souci sentimental. Dieu était au centre de ma vie et m’avait toujours protégée de ces sentiments qui rendaient folles mes sœurs aînées, et les obligeaient à dire et faire des bêtises. Et pourtant, c’était bien moi, Ottavia Salina, religieuse de l’ordre de la Bienheureuse Vierge Marie, qui me retrouvais, à presque quarante ans, amoureuse de cet étranger aux yeux bleus. Soudain, je ne sentis plus les épines. Et si je les sentis, je ne m’en souviens plus.
    Évidemment, je passai le reste du parcours à lutter contre moi-même. Lutte perdue d’avance, mais je pensais pouvoir encore faire quelque chose pour empêcher ce qui m’arrivait. Je décidai, avant de parvenir à la dernière porte de ce labyrinthe diabolique, que ce sentiment inconnu qui m’étourdissait, faisait battre mon cœur

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