Le Dernier Caton
implore Dieu qu’il t’éclaire de Sa lumière divine depuis le Ciel. Le Christ a dit : "Ne crains rien, sauf le péché." Le Christ vous donna à manger par groupes de cent et cinquante affamés. Sa parole bénie ne dit pas quatre-vingt-dix ou deux. Aie confiance donc dans la justice, comme les Athéniens, et ne crains pas la tombe. Aie foi dans le Christ comme l’eut le mauvais receveur lui-même. Ton âme court et vole vers Dieu comme celle des oiseaux. Ne la retiens pas par tes péchés et elle arrivera. Si tu vaincs le Mal, la lumière apparaîtra à l’aube. Purifie ton âme en t’inclinant devant Dieu comme un humble suppliant. Avec l’aide de la vraie Croix, flagelle sans pitié tes appétits terrestres. Cloue-toi sur elle comme Jésus avec sept clous et sept coups. Si tu le fais, le Christ en majesté sortira pour te recevoir à la douce porte. Que ta patience se voie comblée par cette prière. Amen. » Alors, c’est beau, n’est-ce pas ?
— C’est magnifique…, murmurai-je.
— Oh ! je vois que cela vous a émue, s’exclama-t-il, tout content. Je vais chercher ces imprimés et je vous en donnerai un à chacun.
Il sortit de la crypte de son pas lent et vacillant, puis disparut.
La planche était sans aucun doute noircie par les fumées des cierges qui, des années durant, avaient brûlé devant elle, même si aujourd’hui il n’y en avait plus. Elle devait faire environ un mètre de haut et un mètre et demi de large. Le texte était écrit à l’encre noire, sauf pour les première et dernière phrases, dont les lettres étaient bordées de rouge. Le couronnant comme un écusson ou un signe d’identité, le monogramme de l’empereur Constantin.
Pierantonio comprit rapidement que nous étions tombés sur quelque chose d’important et se lança dans une discussion avec le père Murphy et notre hôte pour nous laisser parler librement entre nous.
— Cette tablette, dit le capitaine, voilà ce que nous sommes venus chercher à Jérusalem.
— On ne saurait être plus clair, acquiesça Farag. Nous devrons l’étudier avec soin. Le contenu est très étrange.
— Étrange ! m’exclamai-je. Tu veux dire bizarre ! Nous allons nous abîmer les yeux à essayer de le comprendre.
— Et que dites-vous du père Stephanos ?
— Un stavrophilake, répondîmes-nous à l’unisson.
— C’est clair.
Le prêtre réapparut avec ses feuillets bien serrés dans la main, pour éviter qu’ils ne glissent.
— Faites cette prière tous les jours, nous dit-il en nous les tendant. Découvrez toute la beauté qui se cache derrière ces paroles. Vous ne pouvez imaginer la dévotion qu’elles inspirent si on les récite avec patience.
Je sentis monter en moi un sentiment de colère absurde contre cet homme au ton onctueux. J’oubliais qu’il était vieux, que c’était peut-être un membre de la confrérie, et je désirais ardemment l’attraper par le col de la soutane et lui crier qu’il cessât de se moquer de nous, car nous avions failli mourir plusieurs fois à cause de son extraordinaire fanatisme. Puis je me souvins que cette nouvelle épreuve traitait, et ce n’était pas un hasard, de la colère. J’essayai alors d’étouffer cette fureur que la fatigue, physique et mentale, nourrissait, j’en étais sûre. J’eus soudain envie de pleurer en comprenant que ce chemin initiatique était méticuleusement balisé par ces diables de diacres millénaires.
Nous sortîmes comme des somnambules en emportant la tendresse du vieux prêtre et la reconnaissance du père Chrysostomos, auquel nous avions promis d’envoyer toute la documentation historique que nous possédions sur la crypte. Alors que nous la quittions, une foule de touristes entrait encore dans l’église.
On nous céda un bureau minuscule dans la Délégation pour que nous puissions travailler sur le texte de la prière. Le capitaine exigea un ordinateur avec accès à Internet. Farag et moi demandâmes plusieurs dictionnaires de grec classique et byzantin qui nous furent apportés de la bibliothèque de l’École biblique de Jérusalem. Après avoir pris un dîner frugal, Glauser-Röist s’installa devant son écran et commença à travailler. Ces appareils étaient pour lui comme des instruments de musique, ils devaient être parfaitement affinés, ou comme de puissants moteurs dont les rouages bien huilés devaient tourner sans défaut. Tandis qu’il était ainsi occupé, Farag et moi
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