Le Dernier Caton
de reliques et, comme le soir tombait, il offrit de me raccompagner à la Délégation. En chemin, je vis la coupole du dôme du Rocher, la mosquée Al-Aqsa et bien d’autres monuments. Nous nous arrêtâmes de nouveau sur la place de l’église du Saint-Sépulcre, attirés par la petite foule qui s’agglutinait devant en mitraillant de photos et en gravant avec leurs caméras cet événement : la fermeture des portes.
— C’est incroyable ! s’exclama mon frère. Ces gens s’étonnent vraiment de n’importe quoi, se moqua-t-il. Et toi, tu veux regarder ça, bien sûr ?
— Tu es trop aimable, répondis-je d’un ton sarcastique. Mais, non merci.
Pourtant je m’avançai. Je suppose que je ne résistais pas à l’enchantement de la nuit tombant sur le cœur de la chrétienté à Jérusalem.
— Au fait, Ottavia, je voulais te dire quelque chose et je n’ai pas trouvé le moment.
Comme dans une attraction de cirque, un homme de petite taille, juché sur une très haute échelle appuyée contre les portes, était éclairé par des projecteurs et les flashes des appareils photo. Il luttait contre le solide verrou de fer.
— Je t’en prie, ne me dis pas que tu as d’autres affaires troubles à m’avouer.
— Non, non, cela ne me concerne pas. Il s’agit de Farag.
Je me tournai brusquement vers lui alors que le petit homme redescendait de l’échelle.
— Que se passe-t-il ?
— À vrai dire, avec Farag, rien. Non, celle qui semble avoir des problèmes, c’est toi…
Mon cœur s’arrêta de battre, et je sentis mon visage pâlir.
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, Pierantonio.
Quelques cris et un murmure effrayé se firent entendre parmi la foule de spectateurs. Mon frère se retourna soudain, mais je demeurai immobile, comme paralysée par ses paroles. J’avais tenté de maintenir cachés mes sentiments, et Pierantonio les avait devinés.
— Que se passe-t-il, père Longman ? entendis-je mon frère demander à un prêtre franciscain qui se trouvait près de nous.
— Bonjour, père Salina, dit ce dernier. Le gardien des clés est tombé en descendant l’échelle. Son pied a glissé. Heureusement qu’il n’était pas monté très haut.
J’étais encore si abasourdie par les paroles de mon frère que je tardai à réagir. Mais mon cerveau se remit à fonctionner, et une voix intérieure commença à répéter dans ma tête « le gardien des clés », « le gardien des clés »… Je sortis péniblement de mon état de choc tandis que Pierantonio remerciait son collègue.
— Bien, qu’est-ce que je disais…, reprit-il. Ah ! oui, je m’étais promis qu’aujourd’hui j’en parlerais sans faute avec toi. Car, si je ne me trompe pas, petite sœur, tu as un sacré problème.
— Que t’a dit cet homme ?
— N’essaie pas de changer de sujet, Ottavia, me gronda Pierantonio d’un air très sérieux.
— Assez de bêtises ! me défendis-je. Que t’a-t-il dit exactement ?
Mon frère paraissait plus que surpris de mon soudain changement d’humeur.
— Que le portier de l’église a raté une marche, et est tombé !
— Non, criai-je, il n’a pas dit « portier » !
Une lumière dut se faire enfin dans son esprit, car l’expression de son visage changea et je vis qu’il avait enfin compris.
— Le gardien des clés ! dit-il.
— Je dois parler à cet homme ! m’exclamai-je en essayant de me frayer un passage dans la foule de touristes.
Il avait forcément un lien avec notre énigme, j’en étais sûre. Et, même si je me trompais, cela valait la peine d’essayer.
Quand j’arrivai enfin au centre, le petit homme s’était déjà remis debout et secouait la poussière de ses vêtements. Comme beaucoup d’autres Arabes que j’avais eu l’occasion de croiser ces derniers jours, il était en chemise, sans cravate, le col ouvert et les manches relevées, et portait une fine moustache. Il avait une expression de rage et de colère contenues.
— C’est vous, le gardien des clés ? dis-je timidement en anglais.
Il me regarda d’un air indifférent.
— Je crois que c’est évident, madame, répondit-il, très digne.
Puis il me tourna le dos et remonta sur l’échelle. Je sentis que je risquais de perdre une occasion unique, que je ne devais pas le laisser s’échapper.
— Écoutez ! criai-je pour attirer son attention. On m’a dit de m’adresser à celui qui a les clés !
— Cela me paraît très bien,
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