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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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esprits.
    — En passant de l’autre côté, nous ne serions jamais arrivés vivants ! me rabroua le capitaine.
    — Mais enfin, que dites-vous là ! protestai-je à mon tour.
    — Je vois que vous avez oublié tous les deux Traxias et Argestes, les deux derniers vents que nous aurions dû traverser si je vous avais écoutés.
    Le silence se fit soudain. Ni Farag ni moi ne pouvions plus le contredire. Le capitaine nous avait sauvé la vie en nous empêchant de parcourir inutilement un chemin épuisant. Jamais nous n’aurions pu traverser Traxias et Argestes, et leurs énormes volées de grêlons.
    — Vous comprenez, maintenant, ou il faut que je vous réexplique ?
    Il avait raison. Entièrement raison. Et je le lui dis. Farag s’excusa dans toutes les langues qu’il connaissait, en commençant par le copte. Grec, latin, arabe, turc, hébreu, français, anglais et italien, tout y passa, ce qui nous offrit l’occasion de rire enfin ensemble et dissipa toute tension. Le capitaine était un véritable héros et nous le lui dîmes.
    — Allons, cessez ces bêtises ! Nous ferions mieux d’avancer.
    — Pourquoi dois-je toujours passer la première ?
    — Ah ! vous n’allez pas recommencer…
    — Ottavia…
    Je dus m’exécuter, naturellement.
    À quatre pattes, avec la torche coincée entre deux boutons de ma blouse, j’ouvris la marche, regrettant encore une fois d’avoir mis une jupe ce jour-là. J’eus l’impression de revivre les mauvais moments passés dans le tunnel des catacombes avec Farag derrière moi. Je me promis que si nous sortions vivants de là, je jetterais toutes mes jupes à la poubelle.
    J’avançais péniblement et j’avoue que c’est avec bonheur que je sentis les premiers effluves d’un fin arôme de résine.
    — Je crois que la chance est avec nous, cette fois, nous ne recevrons pas de coups.
    — Que dis-tu, Basileia ?
    — Ils sont en train de nous endormir. Tu ne sens pas cette odeur de résine ?
    — Non.
    — Tant pis, ce n’est pas grave. À bientôt, Farag, on se reverra au réveil.
    —  Basileia …
    Je ressentis une légère torpeur qui m’enchantait.
    — Oui ?
    — Ce que je t’ai dit pendant le marathon, je ne le pense plus.
    — Quoi ?
    Une fumée blanche apparut alors, cette fumée bénie qui, tel un bon somnifère, allait m’offrir de merveilleuses heures d’un sommeil réparateur. Je m’allongeai par terre. Les stavrophilakes pouvaient faire ce qu’ils voulaient de mon corps, cela m’était bien égal. Je désirais seulement dormir.
    — Oui, tu sais, quand j’ai dit que, si tu te levais et venais à Athènes avec moi, je n’insisterais jamais plus.
    Je souris. Quel homme romantique. J’aurais aimé me retourner, mais non, mieux valait dormir. D’ailleurs, le capitaine entendait tout.
    — C’était faux ?
    — Oui, totalement faux. Je voulais te prévenir. Tu m’en veux ?
    — Oh ! non, je trouve ça très bien. Je suis même d’accord avec toi.
    — Bon. Alors, à tout à l’heure, murmura-t-il. Kaspar, vous dormez ?
    — Non, répondit ce dernier d’une voix pâteuse. Votre conversation est si intéressante…
    Oh non ! me dis-je, juste avant de m’endormir.

6
     
    Des cris d’enfants qui jouaient me réveillèrent. Le soleil au zénith déversait sur moi un flot de lumière. Je clignai des yeux, toussai et me redressai avec un gémissement. J’étais allongée sur un tapis de mauvaises herbes, entourée d’une odeur insupportable de détritus fermentés par la chaleur. Les enfants continuaient à crier et à parler en turc, mais le bruit s’éloigna peu à peu comme s’ils s’étaient déplacés.
    Je réussis à m’asseoir sur l’herbe et ouvris les yeux. Je me trouvais dans une cour où des restes de maçonnerie byzantine étaient mêlés à des poubelles au-dessus desquelles volaient une nuée d’énormes mouches bleues. À ma gauche, un atelier de réparation, à l’aspect sinistre, émettait des bruits de scie et de soufflet. Je me sentais sale et je n’avais pas de chaussures.
    Mes compagnons se trouvaient devant moi, encore inconscients. Je souris en voyant Farag et sentis des papillons dans l’estomac.
    — Alors comme ça, ce n’était pas vrai, murmurai-je en le regardant sans pouvoir effacer mon sourire.
    J’écartai les mèches de son front et observai les petites rides aux coins des yeux. C’étaient les traces de tout ce temps qu’il n’avait pas passé avec moi, ces trente

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