Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
Vom Netzwerk:
mots « Zéphyr » et « Dante ». Je réfléchis alors à tout ce que je savais de ce vent, ses amours avec Chloris, les éloges dont il faisait l’objet dans les poèmes de l’Antiquité, la brise légère qui signalait le début du printemps, le vent d’ouest, du ponant, de l’hiver qui terminait… Qui terminait… Était-ce cela que voulait me dire Farag ? La fin de ce cauchemar, la sortie… Zéphyr était la sortie. Mais comment, puisque je ne pouvais pas bouger un doigt ? D’ailleurs, où était le bothros de Zéphyr ? J’avais perdu tout sens de l’orientation. Et soudain je me souvins :
     
    Si vous venez ici sans être des gisants,
    et voulez trouver votre chemin plus vite,
    ayez toujours la droite vers le dehors.
     
    Le tercet de Dante ! Voilà ce que voulait me dire Farag, je devais me réciter les vers de Dante. Je fis un effort pour me souvenir de ce que nous avions lu le matin même dans l’avion :
     
    Je partis et mon guide s’avança
    par les lieux encore libres de la roche
    comme on va sur un mur le long des créneaux.
     
    Il fallait donc arriver au mur ! À la paroi, et, une fois là, collés à la roche, avancer toujours vers la droite pour parvenir jusqu’à Zéphyr, le vent tempéré qui nous délivrerait de l’ouragan et des balles de glace, et nous permettrait peut-être de sortir de cet enfer polaire.
    Au prix d’un immense effort, je réussis à prendre la main de Farag et la serrai pour qu’il sache que j’avais compris. Et je ne sais plus très bien comment, en nous aidant l’un l’autre, nous rampâmes lentement, comme des serpents écrasés sous une botte, les yeux remplis de larmes, ouvrant la bouche pour attraper un air difficile à respirer. Il nous fallut une éternité pour atteindre le mur en esquivant les typhons furieux qui sortaient des bothros, en zigzaguant à la recherche des angles morts qui nous permettaient de nous déplacer d’un centimètre. Plus d’une fois, je pensai que nous n’y arriverions jamais, que c’était inutile mais, lorsque je touchai enfin la roche, je sus que nous avions une chance. Ce fut seulement à cet instant que je pensai à Glauser-Röist. Si nous parvenions à nous mettre debout et à nous coller à la paroi, nous arriverions peut-être à le voir grâce à la torche qu’il avait sans doute gardée.
    Mais se soulever du sol n’était pas une simple affaire. Comme des enfants qui s’accrochent aux meubles pour apprendre à marcher, nous dûmes planter nos doigts dans les recoins les plus invraisemblables pour passer de l’état de reptile à celui de bipède. Le poète florentin avait indiqué la piste très clairement. Dès que nous pûmes nous coller au mur, les rafales de vent cessèrent de nous écraser, pour nous laisser respirer enfin un peu plus librement. Ce n’était pas encore le calme rêvé, mais les ouvertures des fosses étaient disposées de telle sorte que les canons d’air se neutralisaient les uns les autres en créant de petits recoins partiellement libres marqués par les flambeaux.
    Si bouger ou respirer était difficile, ouvrir les yeux était une torture ; ils étaient secs et piquaient comme si l’on avait planté des aiguilles dedans. Nous devions pourtant localiser le capitaine coûte que coûte. Malgré la douleur, je le cherchai du regard et l’aperçus à l’autre extrémité de la grotte, entre Traxias et Aparctias, collé au mur comme une ombre, la tête vacillante, les yeux fermés. Il était inutile de l’appeler, il ne nous aurait pas entendus dans ce vacarme. Nous devions parvenir jusqu’à lui. Comme nous étions entre Euronotos et Notos, nous nous dirigeâmes vers le nord, vers Borée, en suivant les indications de Dante : suivre la droite. Malheureusement, le capitaine, qui ne devait pas se souvenir des vers de La Divine Comédie , au lieu de se diriger vers Zéphyr s’approchait de nous en se jetant au sol chaque fois qu’il devait passer devant une des fosses pour éviter que le souffle ne le repoussât contre le sarcophage.
    J’étais épuisée. Sans l’aide de Farag, sans le réconfort de sa main, je ne m’en serais probablement jamais sortie. La fatigue me donnait envie de rester au sol chaque fois que nous nous jetions à terre pour éviter un bothros. Chaque mètre parcouru me demandait de plus en plus d’efforts.
    Enfin, nous rejoignîmes le capitaine à hauteur d’Helespontios. Muets, nous nous serrâmes la main tous les trois dans un geste plein

Weitere Kostenlose Bücher