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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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forma dans mon esprit : un pied qui se soulevait très haut et se posait, coupant l’air.
    — Un vent qui souffle du haut…, murmura Farag, songeur.
    À cet instant, une autre lance se planta juste devant les orteils du pied droit de Glauser-Röist, le double saint, qui fit un bond.
    — Maudits ! hurla-t-il.
    — Écoutez-moi, cria soudain Farag, très excité, j’ai compris, je sais ce qu’il faut faire !
    Makarioi oi kazaroi ti kardia, répétait le chœur de plus en plus fort.
    — En soulevant le pied très haut avant de le poser lourdement, on crée une poche d’air sous la plante des pieds, qui stoppe pendant quelques instants la combustion. Voilà ce que voulait dire Dante.
    Le capitaine demeura silencieux, le temps sans doute de s’habituer à l’idée. Mais je compris immédiatement, c’était une simple question de physique appliquée : si le pied tombait de haut avec beaucoup de force et frappait les braises durant un très court laps de temps, l’air accumulé sur la plante et retenu par la chaussure de feu qui se formait autour de la peau empêcherait les brûlures. Mais, pour atteindre ce résultat, il fallait marcher très fort, comme l’avait dit Farag, et rapidement, sans se distraire ni perdre le rythme, parce qu’à la moindre erreur rien ne pourrait empêcher la peau d’être calcinée et les braises de dévorer les chairs en un clin d’œil. C’était très risqué, en effet, mais aussi la seule solution qui correspondait aux indications de Dante et la seule idée à notre disposition. Nous manquions de temps, comme nous l’indiqua à grands cris Mulugeta Mariam.
    — Il faut faire attention de ne pas tomber, dit le capitaine qui venait enfin de comprendre. « Et par ici, j’avais peur de tomber », dit Dante. Ne l’oubliez pas. Si la douleur ou autre chose vous faisait faiblir et perdre pied, vous brûleriez vifs.
    — Je passerai le premier, déclara Farag en se penchant vers moi pour déposer sur mes lèvres un baiser qui servit aussi à me faire taire. Ne dis rien, Basileia, murmura-t-il à mon oreille pour que le capitaine n’entende pas. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime…
    Il ne cessa de le répéter jusqu’à ce qu’il me voie sourire. Alors il me lâcha brusquement et se précipita dans le feu en criant :
    — Regarde bien et ne répète pas mes erreurs !
    — Mon Dieu ! hurlai-je, hystérique, en lançant mes bras pour le retenir, non ! Farag, non !
    — Calmez-vous, murmura Glauser-Röist en me retenant par les épaules.
    La silhouette de Farag était une pure étincelle rouge, qui avançait en écrasant le sol en feu avec rythme, d’un pas décidé. Je ne pus continuer à regarder. J’enfouis ma tête contre la poitrine du capitaine qui me serra dans ses bras, et je pleurai comme je ne l’avais jamais fait de ma vie, avec de tels sanglots, une telle souffrance que je n’entendis pas le capitaine crier :
    — Il a réussi ! professeur Salina !
    Il me secoua comme une poupée de chiffons.
    — Regardez ! Il est sain et sauf !
    Je levai la tête sans comprendre ce qu’il me disait et vis Farag de l’autre côté qui, le bras levé, me faisait de grands signes.
    — Il est vivant ! criai-je. Merci, Seigneur, merci ! Farag !
    — Ottavia ! cria-t-il avant de s’effondrer à terre.
    — Il s’est brûlé ! hurlai-je.
    — Allons-y, professeur Salina, c’est à nous.
    — Quoi ? balbutiai-je.
    Mais, avant que je ne puisse réagir, le capitaine avait pris ma main et m’entraînait vers le feu. Mon instinct de survie se rebella et je freinai en posant fermement les pieds sur le sol.
    — Voilà, vous devez faire exactement comme ça, me dit Glauser-Röist, que mon arrêt brusque ne fit même pas vaciller.
    Je suppose que la proximité des braises me fit réagir car je levai le pied et l’enfonçai de toutes mes forces dans le sol.
    La vie s’arrêta. Le monde cessa de tourner et la nature se tut. J’entrai en silence dans une espèce de tunnel blanc. Je pus vérifier qu’Einstein avait raison lorsqu’il disait que le temps et l’espace sont relatifs. Je regardai mes pieds et vis l’un d’eux enfoncé légèrement dans des pierres blanches et froides, et l’autre se soulevant comme au ralenti pour faire le prochain pas. Le temps s’était dilaté, me permettant de contempler sans hâte cette étrange promenade. Mon second pied tomba comme une bombe sur les braises, les faisant sauter

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