Le Dernier Caton
suis-je ?
La femme se poussa et se leva pour me permettre de me redresser. Mon quatrième sens, le toucher, découvrit alors que mes draps étaient d’une soie très fine, plus douce que le taffetas. Je glissai presque en bougeant.
— Vous êtes à Stavros, la capitale du Paradeisos, et cette salle est une des chambres d’invités du Basileion de Caton.
— Donc je me trouve au Paradis terrestre des stavrophilakes.
La femme sourit, ainsi que sa compagne plus jeune, qui se cachait derrière elle. Toutes deux portaient d’amples tuniques blanches fermées par des fibules sur les épaules et serrées à la taille par des rubans. Tout était beau dans ce lieu, d’une beauté exquise qui ne pouvait laisser indifférent. Les vases d’albâtre posés sur une des magnifiques tables de bois étaient si parfaits qu’ils resplendissaient à la lumière des innombrables bougies illuminant la chambre. Le sol était recouvert de tapis aux couleurs vives. Il y avait des fleurs partout, étrangement grandes et belles, mais le plus déconcertant étaient les peintures murales de style romain, avec de très belles scènes qui paraissaient représenter la vie quotidienne de l’Empire byzantin au XIII e ou XIV e siècle de notre ère.
— Mon nom est Haidé, me dit la femme aux yeux verts. Si tu veux, tu peux encore rester au lit et contempler ces fresques qui, d’après ce que je vois, te plaisent beaucoup.
— J’adore, affirmai-je, enthousiaste.
Tout le luxe et le goût raffinés de l’art byzantin se trouvaient réunis dans cette salle. C’était l’occasion parfaite pour étudier ce que j’avais seulement pu deviner dans de vagues reproductions. Néanmoins, ajoutai-je, je préférais voir mes compagnons. Mon vocabulaire, dont je m’étais toujours sentie si fière, montrait des déficiences, aussi dis-je « compatriotes », sunpatriotes, au lieu de « compagnons ». Mais elles me comprirent.
— Le didaskalos 26 Boswell et le protospatharios 27 Glauser-Röist sont allés déjeuner avec Caton et les vingt-quatre shasta.
— Shasta ? répétai-je, surprise.
Ce terme sanscrit signifie « sage » ou « vénérable ».
— Les shasta sont…
Haidé parut hésiter avant de trouver les termes adéquats pour expliquer à une néophyte comme moi un concept aussi complexe.
— Ce sont des aides de Caton, bien que ce ne soit pas exactement le sens. Ce serait mieux que tu sois patiente dans ton apprentissage, jeune Ottavia. Ne sois pas pressée. On a le temps, ici.
Zauditu, la jeune fille qui semblait être devenue muette, avait ouvert une porte dans le mur et avait sorti, d’une armoire dissimulée sous les fresques, une tunique identique à la sienne qu’elle posa sur une belle chaise de bois gravé qui était une véritable œuvre d’art. Elle ouvrit un tiroir caché sous le plateau d’une table et en tira un étui qu’elle posa doucement sur mes genoux couverts par les draps. À ma grande surprise, dans l’étui décoré d’émaux, se trouvait une incroyable collection de broches d’or et de pierres précieuses qui devaient valoir une fortune, tant pour le matériau que la taille et le dessin, clairement byzantins. L’orfèvre qui avait conçu cette merveille devait être un artiste de premier ordre.
— Choisis-en une ou deux, comme tu veux, me dit Zauditu.
Comment choisir entre des objets si beaux alors que je ne mettais jamais de bijoux ou d’accessoires ?
— Non, non merci, m’excusai-je avec un sourire.
— Tu ne les aimes pas ? me demanda-t-elle, surprise.
— Oh ! si bien sûr, mais je n’ai pas l’habitude de porter des objets d’une telle valeur.
J’avais été sur le point de lui expliquer que j’étais religieuse et avais fait vœu de pauvreté, mais je me souvins à temps que cela faisait partie du passé.
Zauditu, déconcertée, se tourna vers Haidé, mais celle-ci ne nous écoutait pas. Elle parlait tranquillement avec quelqu’un qui se trouvait de l’autre côté de la porte. Zauditu reprit l’étui et le posa sur la table la plus proche. À cet instant, on commença à entendre le doux son d’une lyre qui interprétait une mélodie joyeuse.
— C’est Tafari, le meilleur liroktipos de Stavros, m’expliqua Zauditu avec orgueil.
Haidé revint à pas lents. Plus tard, je devais découvrir que tout le monde ici marchait de cette manière, les habitants de Stavros comme ceux de Crucis, d’Eden et de Lignum.
— J’espère que tu aimes
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