Le Dernier Caton
adultes. Il arriva un moment où le capitaine dut se courber pour continuer, puis se mettre de profil, car ses larges épaules ne passaient plus.
Si tout cela avait été organisé par les stavrophilakes, il fallait bien reconnaître qu’ils avaient l’esprit tordu. La sensation était claustrophobique et donnait envie de s’enfuir en courant, de fiche le camp. L’air paraissait se raréfier et le retour à la surface semblait impossible. Comme si nous avions dit adieu à la ville, avec ses voitures, ses habitants, ses lumières. On avait l’impression de pénétrer dans une tombe ouverte pour ne plus jamais en sortir. Le temps se faisait éternel sans que nous puissions voir la fin de cet escalier diabolique qui ne cessait de rétrécir.
Soudain, je fus prise d’une attaque de panique. Je ne pouvais plus respirer, j’étouffais, je n’avais plus qu’une seule pensée : sortir de là, sortir au plus vite de ce trou et retourner à la surface ! J’ouvris la bouche comme un poisson hors de l’eau. Je m’arrêtai, fermai les yeux et essayai de calmer les battements accélérés de mon cœur.
— Un instant, capitaine, dit Farag. Ottavia ne se sent pas bien.
Le lieu était si étroit qu’il put à peine s’approcher de moi. Il me caressa d’une main les cheveux, puis les joues, doucement.
— Ça va, Ottavia ?
— Je ne peux plus respirer.
— Si, il faut juste que tu te calmes.
— Je dois sortir d’ici.
— Écoute-moi, dit-il d’un ton ferme, en prenant mon menton dans sa main et en levant mon visage vers lui. Ne te laisse pas dominer par ce sentiment de claustrophobie. Respire profondément. Plusieurs fois. Oublie où nous sommes et regarde-moi. D’accord ?
Je l’écoutais, que pouvais-je faire d’autre, je n’avais pas de solution de rechange. Je le regardai fixement et comme par magie je puisai du courage dans ses magnifiques yeux bleus, et son sourire parut élargir mes poumons. Je commençai à m’apaiser et à dominer ma peur. En deux minutes, je me sentis mieux. Il me caressa de nouveau les cheveux et fit signe au capitaine que nous pouvions continuer. Cinq marches plus bas pourtant, ce dernier s’arrêta net. Un autre chrisme :
— Où ? demanda Farag.
Ni lui ni moi ne pouvions le voir.
— Sur le mur à hauteur de ma tête. Il est plus profondément gravé que les autres.
— C’est absurde ! dit Farag. Pourquoi un chrisme à cet endroit ? Il ne nous indique aucun chemin.
— C’est peut-être juste une confirmation, pour que le candidat sache qu’il est sur la bonne voie. Un signe d’encouragement, quelque chose du genre.
— C’est possible, reconnut Farag, peu convaincu pourtant.
Nous continuâmes, mais le capitaine s’arrêta quatre marches plus bas :
— Un nouveau chrisme.
— Où se trouve-t-il cette fois ?
— Au même endroit que le précédent.
Je voyais parfaitement celui-ci, maintenant, qui se trouvait à hauteur de mon visage.
— Je continue à penser que cela n’a aucun sens, insista Farag.
— Continuons, répondit le capitaine, laconique.
— Non, Kaspar, attendez, s’opposa Farag, nerveux. Examinez le mur. Vérifiez qu’il n’y a rien d’autre, s’il vous plaît.
Le capitaine tourna sa torche vers moi et m’éblouit sans le vouloir. Je me couvris les yeux et protestai. Tout d’un coup, je l’entendis pousser une exclamation :
— Il y a quelque chose, professeur !
— Qu’est-ce que c’est ?
— Entre les deux chrismes, une forme très érodée dans la roche. On dirait une petite porte, mais c’est difficile à voir.
Mon aveuglement se dissipa peu à peu. Je pus voir l’image dont parlait le capitaine. Mais ce n’était pas un guichet. C’était une pierre de taille parfaitement incrustée dans le mur.
— On dirait un travail de fossores 13 , quelque chose pour renforcer le mur ou une marque de taille.
— Appuyez dessus, Kaspar, le pressa Boswell.
— Je ne crois pas que je pourrai, je ne suis pas dans une position très confortable.
— Essaye, toi, Ottavia !
— Mais quelle idée ! Tu ne crois tout de même pas que cette pierre va bouger d’un millimètre…
Pourtant, tout en protestant, j’appuyai la paume de ma main sur la pierre qui s’enfonça doucement, sans aucun effort, sous la pression. L’ouverture ainsi créée était plus petite que la roche, qui avait été taillée sur les côtés pour pouvoir s’ajuster au cadre.
— Elle bouge ! m’écriai-je.
Weitere Kostenlose Bücher