Le Dernier Caton
Elle bouge !
C’était curieux, la pierre glissait comme si elle avait été graissée, sans aucun bruit, sans aucun frottement. Mon bras n’était pas assez long, il devait y avoir plusieurs mètres carrés de roche autour de nous, et le couloir par lequel elle glissait semblait sans fin.
— Prenez la torche, Ottavia, dit le capitaine, passez par le trou, nous vous suivrons.
— Vous voulez que j’y aille la première ?
Le capitaine poussa un soupir.
— C’est simple, pourtant, ni le professeur Boswell ni moi ne pouvons le faire, nous n’avons pas assez de place. Vous êtes juste devant, alors allez-y, bon sang ! Le professeur passera ensuite et je vous suivrai en remontant jusque-là où vous êtes.
Je me retrouvai donc à ouvrir le chemin, à quatre pattes dans un couloir d’à peine un demi-mètre de hauteur et de largeur. Je devais déplacer la pierre avec les mains tandis que j’avançais tout en tenant la torche électrique entre les dents. Je faillis m’évanouir en pensant que Farag était derrière moi, et que ma jupe ne devait pas recouvrir grand-chose. Je fis contre mauvaise fortune bon cœur, et me sermonnai en me disant que ce n’était pas le moment de penser à ces bêtises. Mais, en prévision d’autres situations de ce genre, à mon retour à Rome, si je revenais jamais, je m’achèterais un pantalon et le mettrais, même si mes compagnes et mes supérieures devaient en avoir un infarctus.
Heureusement pour mes mains et mes genoux, ce couloir était aussi doux et ferme que le marbre. Le sol était si poli que j’avais l’impression d’avancer sur du cristal. Les quatre côtés du cube de pierre qui touchaient les murs devaient être pareils, ce qui expliquait la facilité avec laquelle la pierre glissait. Quand je retirais les mains, celle-ci glissait un peu vers moi, comme si le tunnel présentait une légère élévation. Je ne sais quelle distance nous parcourûmes dans ces conditions, quinze ou vingt mètres peut-être, mais cela me parut très long.
— Nous remontons, annonça le capitaine au loin.
En effet, ce couloir devenait de plus en plus raide, et une partie du poids de la pierre commençait à retomber sur mes poignets fatigués. Vraiment, cela ne ressemblait pas à un endroit conçu pour le passage d’un être humain. Un chien ou un chat peut-être, mais pas une personne. L’idée qu’il faudrait refaire tout ce chemin en sens inverse, reprendre le sinistre escalier en colimaçon et grimper sur deux niveaux de catacombes, m’épuisait d’avance. Jamais le soleil et l’air ne m’avaient autant manqué et ne m’avaient paru si lointains.
Je sentis enfin qu’une partie de la pierre paraissait sortir du tunnel. La pente était alors très raide, et je pouvais à peine soutenir le poids du bloc qui retombait sans cesse sur moi. Dans un ultime effort, je le poussai de toutes mes forces et la pierre tomba en cognant quelque chose de métallique.
— C’est fini !
— Qu’est-ce que tu vois ?
— Attendez que je reprenne mon souffle.
Je pris la torche de la main droite, et la dirigeai vers le trou. Comme je ne voyais rien, j’avançai un peu et penchai la tête. Je découvris une salle de la même dimension que celle que nous avions vue dans les catacombes, mais celle-ci était totalement vide. Quatre murs creusés dans la roche avec un plafond bas et un sol bizarre, recouvert d’une plaque de fer. Le plus curieux fut que je ne réagis pas sur le moment au fait que tout était d’une propreté déconcertante, pas plus que je ne m’aperçus que je m’appuyais sur la même pierre que j’avais poussée durant tant de mètres. Sa hauteur correspondait approximativement à la distance qu’il y avait entre le sol et l’ouverture par laquelle j’émergeais.
En prenant mon souffle comme un sauteur prêt à s’élancer, je fis une contorsion extravagante et atterris dans la salle avec grand bruit ; Farag et le capitaine me suivirent de près. Ce dernier n’avait pas bonne mine. Trop grand, au lieu de marcher à quatre pattes il avait dû ramper comme une couleuvre en tirant son sac de toile. Farag, aussi grand mais plus mince, avait pu se déplacer avec davantage de facilité.
— Un sol très original, fit-il remarquer en tapant du pied par terre.
— Donnez-moi la torche.
— Elle est à vous.
Un fait étrange se produisit alors. À peine le capitaine nous avait-il rejoints qu’on entendit un grincement sonore, comme la
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