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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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avec le grand auteur florentin. Je ne cessais de m’étonner qu’il ait osé écrire « Le Purgatoire » en sachant parfaitement que les stavrophilakes ne pourraient jamais le lui pardonner. Cet acte d’audace était peut-être à la mesure de son ambition littéraire, si grande que les conséquences lui importaient peu. Il avait peut-être eu besoin de prouver qu’il était un nouveau Virgile, de recevoir cette couronne de laurier, prix des poètes, qui ornait tous ses portraits et qui, selon ses propres paroles, était la seule chose qu’il eût convoitée vraiment. Dante avait l’irrésistible désir de passer à la postérité comme le plus grand écrivain de toute l’Histoire, et il le manifesta à plusieurs reprises. Cela dut lui être très pénible de voir le temps passer, année après année, sans atteindre ses rêves. De la même façon que Faust des siècles plus tard, il dut certainement considérer que cela valait la peine de vendre son âme au Diable en échange de la gloire. Ses rêves s’accomplirent, bien qu’il le payât de sa propre vie.
    Le chant X commence avec Dante et son maître Virgile passant enfin le seuil du Purgatoire. En entendant la porte se refermer derrière eux, sans pouvoir se retourner, ils comprennent qu’il n’y a pas de chemin de retour. La purification du Florentin, son propre processus d’expiation intérieure, débute alors. Il a visité l’Enfer et vu les châtiments infligés aux éternels condamnés dans les neuf cercles. On lui demande maintenant de se purifier de ses péchés pour pouvoir accéder, totalement rénové, au royaume céleste où l’attend sa Béatrice bien-aimée qui, selon Glauser-Röist, n’était rien d’autre que la représentation de la sagesse et de la connaissance suprême.
     
    Nous montions par un rocher fendu
    qui vacillait d’un bord à l’autre
    comme l’onde qui fuit et se rapproche.
    « Il faut user ici d’habileté,
    commença mon guide, et côtoyer
    chaque fois la paroi qui s’écarte. »
     
    Mon Dieu, une roche mobile ! Je faillis m’étrangler avec le bout de pain que j’avais dans la bouche. Heureusement que j’avais trouvé un joli pantalon gris perle ! J’étais contente parce qu’il ne m’avait pas coûté cher et m’allait très bien. Cachée dans la cabine d’essayage du magasin, toute seule face à la glace, je découvris qu’il me donnait un aspect juvénile que je n’avais jamais eu. Je regrettai ces règles ridicules qui m’empêchaient de porter un pantalon et je décidai de les ignorer sans remords. Je me souvins de la célèbre religieuse américaine, Mary Dominic Ramaccioti, fondatrice de la résidence romaine Girl’s Village, qui avait obtenu une autorisation spéciale du pape Pie XII pour porter des manteaux de fourrure, se faire une permanente, utiliser des produits de beauté, fréquenter l’Opéra et s’habiller avec élégance. Je n’en demandais pas tant. Il me suffisait d’un simple pantalon que, d’ailleurs, j’avais gardé sur moi en sortant du magasin.
    Après de nombreuses difficultés, Dante et Virgile arrivent enfin à la première corniche, le premier cercle du Purgatoire.
     
    Depuis le bord qui confine au vide
    au pied du haut rivage qui monte encore
    on compterait trois fois un corps humain ;
    et autant que mes yeux pouvaient voler
    et sur le flanc gauche et sur le flanc droit,
    telle me semblait cette corniche.
     
    Tout de suite, Virgile oblige son compagnon à se promener pour observer l’étrange foule d’âmes qui avance vers eux d’un pas lent et pénible :
     
    Je commençai : « Maître, ce que je vois
    venir vers nous, on ne dirait pas des personnes ;
    je ne sais pas ce que c’est tant ma vue s’égare. »
    Et lui à moi : « La nature accablante
    de leur tourment les aplatit à terre ;
    mes yeux en ont été d’abord déconcertés.
    Mais regarde-les bien, et débrouille
    du regard ce qui vient sous ces pierres ;
    déjà tu peux voir comme ils se frappent. »
     
    Le poète décrit les âmes des vaniteux écrasées par le poids d’énormes pierres qui servent à les humilier afin qu’ils expient les vanités du monde. Ils avancent péniblement par la corniche étroite, les genoux collés à la poitrine et les visages défaits par la fatigue, tout en récitant une étrange version du Pater noster adaptée à leur situation : « Notre Père qui êtes aux Cieux, non circonscrit en eux…» Ainsi commence le chant XI. Dante, horrifié

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