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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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visite, personne ne sait qu’elle existe, et pourtant c’est une des plus belles de Rome.
    — Mais comment êtes-vous sûre qu’il s’agit bien de cette église ? Il y en a des centaines dans la ville qui peuvent être qualifiées de belles.
    — Vous vous trompez, capitaine, il ne s’agit pas seulement de sa beauté, répondis-je en m’arrêtant devant lui, bien qu’elle soit réellement magnifique, ni de son embellissement par les Grecs byzantins qui arrivèrent à Rome au VIII e siècle, fuyant la querelle des Iconoclastes. Mais la phrase de l’inscription des catacombes l’indique clairement : kal ó s kek ó smetai, kek ó smetai, Cosmedin. Vous comprenez ?
    — Il ne peut pas, me reprocha Farag. Je vais vous expliquer, capitaine. Cosmedin dérive du grec kosmidion, qui signifie orné, décoré, beau… Le terme « cosmétique » vient aussi de ce mot. Kek ó smetai est la forme passive du verbe de la phrase. Si on lui enlève la réduplication ke , dont la seule fonction est de distinguer le parfait des autres temps, il reste k ó smetai qui, comme vous le voyez, partage la racine de kosmidion et de Cosmedin.
    — Sainte-Marie in Cosmedin est le lieu indiqué par les stavrophilakes, affirmai-je, très sûre de moi. Il suffit de nous y rendre pour nous en assurer.
    — Nous devrions relire auparavant les notes sur la première corniche du Purgatoire de Dante, dit Farag en prenant mon exemplaire de La Divine Comédie qui se trouvait sur la table.
    Je retirai ma blouse.
    — Très bien. Pendant ce temps, je vais m’occuper de choses urgentes.
    — Il ne peut rien y avoir de plus urgent, me dit le capitaine. Nous nous rendrons à l’église cet après-midi.
    — Ottavia, tu t’échappes toujours quand il faut lire Dante.
    J’accrochai ma blouse à sa place habituelle et je me retournai pour les regarder :
    — Si je dois encore une fois ramper par terre, descendre des escaliers couverts de poussière ou parcourir des catacombes inexplorées, il me faut des vêtements adaptés.
    — Tu vas faire les magasins ? s’étonna Farag.
    J’ouvris la porte et sortis dans le couloir :
    — En fait, je vais juste m’acheter un pantalon.
    Jamais je ne serais allée à Sainte-Marie in Cosmedin sans lire le chant X du « Purgatoire », mais les magasins fermaient à l’heure du déjeuner et il ne me restait pas beaucoup de temps pour acheter ce dont j’avais besoin. Je voulais également téléphoner chez moi pour prendre des nouvelles de ma mère, et pour cela j’avais besoin d’un peu de tranquillité.
    Quand je retournai au bureau, on m’apprit que Farag et le capitaine étaient allés déjeuner au restaurant de la Domus. Je me fis apporter un sandwich de la cafétéria réservée au personnel, et m’enfermai dans mon bureau pour lire tranquillement la chronique des tortures que nous allions devoir endurer cet après-midi. Je ne cessais de penser à cette astuce de la table de multiplication qui nous avait permis de résoudre l’énigme de l’entrée du Purgatoire. Je me revoyais, âgée de six ou sept ans, assise à la table de la cuisine en train de faire mes devoirs, avec Cesare à mes côtés m’expliquant cette astuce. Comment un simple jeu d’enfants pouvait-il servir à résoudre le secret d’une épreuve initiatique millénaire ? Il ne pouvait y avoir que deux explications : un, ce que l’on considérait il y a des siècles comme le summum de la science était maintenant réduit au niveau des études primaires ; deux, plus inédite et difficile à accepter, la sagesse des Anciens pouvait traverser les siècles, cachée derrière certaines coutumes populaires : contes, jeux enfantins, légendes, traditions. Pour la découvrir, il fallait juste changer notre façon de regarder le monde, me dis-je, accepter que nos yeux et nos oreilles ne soient que de pauvres récepteurs de la réalité qui nous entoure, ouvrir notre esprit et laisser de côté les préjugés. Tel était le processus surprenant que j’avais commencé sans très bien savoir dans quel but.
    Je ne lisais plus le texte de Dante avec la même indifférence. Je savais maintenant que ses paroles cachaient un sens plus profond que celui qu’elles semblaient avoir. Dante Alighieri s’était trouvé lui aussi devant l’image de l’ange gardien dans les catacombes de Syracuse et avait tiré les mêmes chaînes que celles que j’avais tenues entre mes mains. Ce fait me donnait un sentiment de familiarité

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