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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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la Domus et nous dormirons pendant une semaine.
    — Il est tard, insista le capitaine en chargeant sur son épaule son sac de toile, qui paraissait beaucoup plus lourd que la veille.
    Il avait dû y mettre un extincteur ou quelque chose du genre.
    Nous abandonnâmes l’Hypogée mais je m’arrêtai à l’infirmerie pour prendre une aspirine. Nous traversâmes la Cité pour nous diriger vers le parking réservé aux gardes suisses où Glauser-Röist garait sa voiture de sport. L’air frais finit de me réveiller, je me sentais un peu plus reposée, mais ce dont j’aurais vraiment eu besoin, c’eût été de rentrer chez moi et de dormir vingt heures. Je crois que ce fut alors que je mesurai la dureté de cette mission : tant qu’elle ne serait pas finie, repos, sommeil, ordre et calme seraient un luxe inaccessible.
    Nous traversâmes la porte Saint-Esprit et en suivant le Lungotevere arrivâmes au pont Garibaldi, qui était obstrué comme d’habitude par un énorme embouteillage. Après dix minutes d’attente, nous pûmes traverser le fleuve et enfilâmes les rues à toute vitesse, par la Via Arenula et la Via delle Botteghe Oscure, jusqu’à la place Saint-Marc. Ce détour nous garantissait cependant une arrivée rapide à Sainte-Marie in Cosmedin. Les scooters nous entouraient et avançaient comme des essaims d’abeilles rendues folles, mais Glauser-Röist parvint miraculeusement à les éviter. Enfin, après de nombreux cahots, notre voiture s’arrêta près d’un trottoir de la place de la « Bouche de la Vérité ». Là se trouvait ma petite église byzantine, si harmonieuse et sage dans ses proportions. Je la contemplai avec affection tout en ouvrant la portière.
    Le ciel s’était couvert de nuages tout au long de la journée, et une lumière sombre et grise aplanissait la beauté de l’église sans pour autant la diminuer. Ce temps de plomb était peut-être la cause de mon mal de tête. Je levai les yeux sur le clocher de sept étages qui se hissait, majestueux, depuis le centre de l’édifice, en pensant une fois de plus à cette comparaison sur les effets du temps, ce temps inexorable qui nous détruit et rend les œuvres d’art infiniment plus belles. Depuis l’Antiquité, une importante colonie grecque s’était installée dans cette partie de Rome appelée le Foro Boario, car on célébrait là les foires de bétail. Un temple consacré à Hercule Invictus, qui avait récupéré les bœufs volés par Cacus, avait été érigé là. Au III e siècle de notre ère, on construisit sur les restes du temple une première chapelle chrétienne, qui plus tard fut embellie pour devenir cette magnifique église que nous avions sous les yeux. C’était sans doute dû à l’arrivée à Rome d’artistes grecs qui fuyaient Byzance et les persécutions iconoclastes promues par ces chrétiens qui croyaient que représenter des images de Dieu, de la Vierge ou des saints était un péché.
    Avec mes compagnons, nous nous approchâmes d’un pas tranquille du porche de l’église. Le lieu était rempli de cohortes de touristes, des retraités pour la plupart, qui faisaient la queue en files serrées pour se prendre en photo, la main plongée dans l’énorme plaque de la « Bouche de la Vérité » située à l’extrémité du porche. Le capitaine avançait d’un pas ferme tel un navire amiral, indifférent à tout ce qui nous entourait, tandis que Farag ne se lassait pas de regarder autour de lui pour essayer de retenir les moindres détails.
    — Et cette bouche, me demanda-t-il, amusé, en se penchant vers moi, elle a déjà mordu quelqu’un ?
    Je lâchai un éclat de rire.
    — Jamais ! Mais si cela arrive un jour, je te préviendrai.
    Il sourit et je remarquai que ses yeux bleus étaient assombris par le reflet de la lumière du ciel, et que sa barbe clairsemée faisait ressortir sa peau mate. Quels tours étranges nous jouait la vie, qui unissait au même moment et dans le même lieu un Suisse, une Sicilienne et un Égyptien ?
    L’intérieur de l’église était éclairé par des lumières installées en haut des nefs latérales et des colonnes, la lumière du jour étant trop faible pour permettre la célébration de la messe. La décoration était nettement gréco-byzantine et, bien que tout en elle me plût, ce qui m’attirait toujours comme un aimant, c’étaient les énormes chandeliers de fer qui, au lieu de porter comme dans les églises latines des dizaines de

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