Le dernier templier
encore plus intense.
Ils étaient déjà à vingt pieds sous la surface et descendaient lentement. Entre le froid et l’impatience, les moindres pores du corps de Tess semblaient s’être réveillés. Elle leva les yeux vers le ciel. La lumière solaire tachetait la surface du lac. L’eau clapotait contre la barque, qui paraissait suspendue au-dessus d’eux. La clarté de l’eau était bonne si l’on considérait qu’ils se trouvaient dans une rivière morte, bloquée. Mais les ténèbres se refermaient autour d’eux.
Il n’y avait encore aucun signe du fond du lac. Tess alluma sa torche. Celle-ci mit quelques secondes à atteindre sa pleine puissance et à éclairer la noirceur inquiétante devant eux. De petites particules dansaient dans l’eau et dérivaient dans le courant en direction du barrage. Tess regarda Reilly qui s’enfonçait à côté d’elle. Un banc de truites se faufila avant de disparaître dans l’obscurité.
La jeune femme vit son compagnon faire un geste vers le bas. Le fond du lac apparaissait. Dans un premier temps, le spectacle fut déconcertant : malgré le dépôt limoneux qui s’était accumulé depuis la construction du barrage, il ne ressemblait pas aux lits sous-marins auxquels elle était habituée.
En fait, il correspondait à ce qu’il était : une vallée submergée, parsemée de rochers et de troncs nus d’arbres morts. Des algues sombres en recouvraient la majeure partie.
Scrutant le fond, tous deux descendaient côte à côte, en spirale. Les yeux exercés de Tess furent les premiers à les repérer. Le vieil homme avait dit vrai : là, à peine visibles dans cet environnement irréel, gisaient les ruines de la ville.
D’abord, tout ce qu’elle put distinguer, ce furent des murs de pierre érodés, puis elle commença à prendre conscience de formes, de motifs cohérents. Elle put voir que les pierres constituaient des structures linéaires, uniformes. Tess entraîna Reilly un peu plus bas. Maintenant, elle reconnaissait une rue, des maisons. Ils descendirent encore, les yeux rivés aux vestiges du village. Ils planaient au-dessus de lui dans une obscurité impénétrable comme des explorateurs flottant au-dessus d’une terre étrangère. Les branches des arbres morts se balançaient dans le faible courant.
Un mouvement soudain attira l’attention de Tess vers la gauche. Un banc de poissons qui se sustentaient de mottes d’algues se dispersa dans l’ombre. En se retournant, elle remarqua que les maisons laissaient place à un espace plus dégagé. Poussant dans cette direction, elle reconnut la souche noire d’un arbre énorme, les restes grêles de ses branches pourries ondulant à peine. Ils avaient trouvé le saule !
Ses yeux scrutèrent les alentours. Elle savait que ce qu’ils cherchaient devait être tout près. Au moment précis où Reilly la rejoignait, elle repéra enfin, à quelques mètres de la souche en amont, les restes effondrés de ce qui avait dû être le puits. Elle avança vers lui. Le rayon de sa torche pénétra le mur de ténèbres au-delà de la petite maçonnerie circulaire délabrée. Juste derrière, se dressant avec une sorte de grandeur mélancolique, se découpaient les murs de l’église.
Tess jeta un coup d’oeil vers Reilly. Il flottait à côté d’elle, comprenant lui aussi ce dont il s’agissait. Il était aussi impressionné qu’elle par l’endroit. D’un coup de palmes, la jeune femme poussa en avant, piquant sur la structure qui surgissait. La vase s’était déposée sur ses flancs, étayant ses murs. Le toit était gravement endommagé. En balayant les pierres avec le faisceau de sa torche, elle constata que l’église était dans un état bien pire que sept siècles plus tôt, quand les Templiers y étaient passés.
Reilly sur ses talons, Tess s’élança vers le lieu saint. Comme un oiseau se glissant dans une grange, elle franchit le porche du sanctuaire en nageant. Une porte massive pendait de guingois. A l’intérieur, planant à quinze pieds au-dessus du sol de l’église, ils se déplacèrent le long d’une galerie de colonnes immergées. Certaines étaient effondrées. Les murs avaient empêché l’amoncellement d’une trop grande quantité de vase, ce qui était de bon augure pour la recherche de la pierre tombale. Le couple progressait en formation étroite. Dans les profonds recoins, sur leurs flancs, la lumière de la torche créait un kaléidoscope d’ombres.
Tess
Weitere Kostenlose Bücher