Le dernier templier
Résurrection, comme de naïves illusions. Pire encore, ces écrits étaient aussi gnostiques, parce que s’ils font référence à Jésus et à ses disciples, le message qu’ils véhiculent, c’est que se connaître soi-même, au niveau le plus profond, est aussi connaître Dieu. C’est-à-dire qu’en cherchant au fond de soi-même pour trouver les sources de la joie, de la peine, de l’amour et de la haine, on trouvera Dieu.
Vance poursuivit en expliquant comment le mouvement chrétien primitif avait été déclaré illégal et comment, pour cette raison, il avait dû se doter d’une sorte de structure théologique pour pouvoir survivre.
— Seulement, la prolifération des Évangiles contradictoires risquait de conduire le mouvement à une fragmentation fatale. Il avait besoin d’une autorité unique, impossible à obtenir si chaque communauté avait ses propres croyances et son propre Évangile. Avant la fin du II e siècle, une structure de pouvoir a commencé à prendre forme. Au sein de différentes communautés, une hiérarchie à trois niveaux — évêques, prêtres et diacres — a émergé. Ils prétendaient parler au nom de la majorité et croyaient eux-mêmes être les gardiens de la seule vraie foi. Maintenant, je ne dis pas que ces hommes étaient des monstres avides de pouvoir. Ils se montraient même plutôt courageux dans leur entreprise et ils avaient sans doute peur que, sans un ensemble de règles et de rituels stricts et largement acceptés, tout le mouvement se désintègre.
Le professeur raconta à Reilly qu’à une époque où être chrétien exposait à la persécution et même à la mort, la survie même de l’Église dépendait de l’établissement d’une forme d’ordre. Cette idée s’était développée jusque vers l’an 180. À cette période, sous la direction d’Irénée, évêque de Lyon, une conception unificatrice s’était finalement imposée. Il ne pouvait y avoir qu’une seule Église avec un seul ensemble de croyances et de rituels. Les autres points de vue ont été rejetés comme hérétiques. La doctrine était simple : hors de l’Église, point de salut. Quant à l’Église elle-même, elle devait être catholique, ce qui signifie « universelle ». Autrement dit, la production « artisanale » d’Évangiles devait cesser. Irénée avait décidé qu’il y aurait quatre Évangiles, utilisant pour ce faire un curieux argument : comme il y avait quatre coins de l’univers et quatre vents principaux, il devait aussi y avoir quatre Évangiles. Il avait rédigé cinq volumes intitulés Contre les hérésies , dans lesquels il dénonçait la plupart des oeuvres existantes comme blasphématoires et imposait les quatre Évangiles que nous connaissons aujourd’hui comme le texte définitif de la parole de Dieu — inhérente, infaillible et plus que suffisante pour les besoins ordinaires des fidèles.
— À part l’Évangile de Pierre, aucun des Évangiles gnostiques ne contient de récit de la Passion, indiqua Vance, mais les quatre Évangiles qu’Irénée a retenus en possèdent un. Ils parlent de la mort de Jésus sur la croix et de sa résurrection. Et ils relient cette histoire, que la hiérarchie chrétienne entendait promouvoir, au rituel fondamental de la Cène, l’Eucharistie. Le plus drôle, c’est qu’ils n’en parlaient même pas à l’origine. Dans sa version primitive, le premier à être inclus, l’Évangile de Marc, n’évoque pas une naissance virginale, et il ne mentionne aucune résurrection. Il s’achève avec la tombe vide de Jésus, près de laquelle un mystérieux jeune homme, semblable à un ange, annonce à un groupe de femmes qui se rendent au sépulcre que Jésus les attend en Galilée. Or cette révélation terrifie ces femmes. Elles s’enfuient et n’en parlent à personne — ce qui nous permet de nous demander comment Marc, ou tout au moins celui qui a rédigé son Évangile, l’a su. Toujours est-il que c’est ainsi que s’achevait originellement l’Évangile de Marc. Ce n’est qu’avec celui de Matthieu, cinquante ans plus tard, puis de Luc, encore dix ans après, que des récits détaillés de la résurrection et de ce qui s’est passé ensuite ont été ajoutés à la fin originelle de Marc, qui a donc été récrite.
« Il a encore fallu attendre deux cents ans — l’année 367, pour être précis — pour que la liste des vingt-sept textes qui constituent ce que nous appelons le Nouveau
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