Le dernier templier

d’hommes sont peut-être en train de vivre sous l’emprise d’un mensonge. Ça ne te gêne pas ? Tu ne leur dois pas la vérité ?
    — On devrait peut-être d’abord leur poser la question, répondit-il.
    — Alors, tu ne veux pas savoir ?
    Il soutint son regard pendant un long moment, un moment pénible, avant de se détourner sans rien dire. Il avait besoin de temps pour réfléchir.
    Tess hocha la tête, puis baissa les yeux vers la clairière où ils avaient laissé Vance. Après un nouveau silence pesant, elle dit :
    — Je... j’ai besoin d’un peu d’eau.
    Puis elle descendit la crête vers le torrent scintillant.
    Il la regarda disparaître dans l’ombre.
    Tandis qu’elle dévalait la pente pour rejoindre la clairière où ils avaient garé le pick-up, l’esprit de Tess était en proie à un maelstrom de pensées confuses.
    Elle s’agenouilla près du torrent et mit ses mains tremblantes en coupe pour boire l’eau fraîche. Fermant les yeux en inspirant l’air vif, elle essaya de ralentir les battements de son coeur et de se calmer. En vain.
    « Ce n’est plus de notre ressort. »
    Les mots de Reilly l’avaient hantée tout le long de la descente de son promontoire rocheux. Et ils ne la lâchaient pas.
    Maussade, elle leva les yeux vers la crête rocailleuse. On pouvait à peine en discerner la silhouette sur le ciel nocturne. Elle avait conscience de se trouver à la croisée des chemins. Fébrilement, elle passa en revue les choix qui s’offraient à elle, la perception qu’elle en avait. Au regard de ce qui était arrivé, de tout le sang répandu et des questions restant sans réponse, elle se doutait que ramener Vance à New York était la solution la plus raisonnable.
    Mais elle n’était pas sûre de pouvoir l’accepter. Pas avec ce qui était en jeu.
    Elle jeta un coup d’oeil au professeur. Il était assis exactement comme ils l’avaient laissé, le dos contre le pick-up, les mains liées. Grâce à l’infime soupçon de lune se reflétant dans les yeux de l’homme, elle sut qu’il la regardait.
    Et c’est alors que l’idée la frappa.
    Une idée téméraire qui s’était immiscée dans le bouillonnement de son esprit.
    Malgré tous ses efforts, elle ne put refouler cette pensée.
    Reilly savait qu’elle avait raison. Elle avait mis le doigt sur le doute qui l’avait assailli en écoutant Vance. Bien sûr qu’il voulait savoir. Plus encore, il avait besoin de savoir. Mais, indépendamment de ses sentiments contradictoires et de ses conflits intérieurs, il devait suivre la procédure. Il avait toujours agi ainsi et, de toute façon, il n’avait pas vraiment le choix. Quand il avait dit qu’ils ne pouvaient pas aller eux-mêmes à la recherche de l’épave du Faucon-du-Temple , ce n’était pas une remarque en passant. Comment procéder ? Il était agent du FBI, pas plongeur professionnel. Sa priorité, c’était de ramener Vance — et l’astrolabe — à New York.
    Mais il savait parfaitement quelle en serait la conséquence.
    Sondant la nuit, il revit le visage de Tess et la déception qu’il avait lue dans ses yeux. Avec douleur, il réalisa qu’il était lui-même tout aussi désappointé. Il ne savait pas ce qui aurait pu se développer entre eux s’ils en avaient eu le temps. Mais, en cet instant, il lui sembla que leur relation venait de se fracasser sur le rocher de sa propre foi.
    C’est alors qu’il entendit le bruit d’un moteur.
    Pas à distance.
    Tout près.
    Stupéfait, il regarda en bas et vit le pick-up s’en aller.
    Il était toujours dans sa combinaison de plongée. Il se revit glisser la clé du 4 x 4 sous le siège passager et il se rappela que Tess était alors à côté de lui.
    Avec horreur, il comprit.
    — Tess ! hurla-t-il.
    Il dévala la pente, perdant l’équilibre, provoquant une avalanche de cailloux et trébuchant dans les ténèbres. Quand il atteignit la clairière, le nuage de poussière derrière le pick-up se dissipait déjà.
    Tess et Vance étaient partis.
    Furieux de n’avoir pas anticipé ce désastre, il balaya le terrain des yeux, en quête de quelque chose qui lui permettrait de renverser la situation. Il aperçut un morceau de papier dépassant d’un petit tas de provisions et d’équipement de camping laissé à son intention, juste à côté de l’endroit où le
pick-up avait été garé.
    Il le ramassa et reconnut l’écriture de Tess.
    Sean,
    Le monde mérite de connaître la