Le dernier templier
une pause comme s’il attendait que ses paroles pénètrent bien dans l’esprit de Reilly avant de continuer.
— Vous devez comprendre quelque chose. Nous menons une guerre. Une guerre qui dure depuis plus de mille ans. Toute cette théorie du « choc des civilisations », ce n’est pas simplement une idée abstraite sortie du cerveau d’obscurs penseurs ou statisticiens. C’est un combat très réel. Il se poursuit alors même que nous discutons. Et il se développe. Chaque jour, il devient plus dangereux, plus insidieux, plus menaçant. Et il n’est pas près de s’achever. Au coeur de cet affrontement, il y a la religion, parce que, que cela vous plaise ou non, la religion est une arme phénoménale, même aujourd’hui. Elle peut toucher le coeur des hommes et leur faire accomplir des choses inimaginables.
— Comme assassiner des suspects sur leur lit d’hôpital ? De Angelis ne releva pas.
— Il y a vingt ans, le communisme se répandait comme un cancer. Comment pensez-vous que nous avons gagné la guerre froide ? À votre avis, qu’est-ce qui a permis d’y mettre un terme ? La « guerre des étoiles » de Reagan ? La stupéfiante incompétence du gouvernement soviétique ? Pour partie, certainement, oui. Mais savez-vous ce qui a vraiment permis la fin de la guerre froide ? Le pape. Un pape polonais au bras long, en relation étroite avec ses ouailles, obtenant d’eux qu’ils abattent les murs à mains nues. En Iran, Khomeyni a fait la même chose. Diffusant ses discours depuis Paris où il était en exil, il a embrasé une population affamée de spiritualité à des milliers de kilomètres de là, il l’a inspirée et poussée à se soulever pour renverser le shah. Quelle erreur ce fut de laisser survenir cette révolution iranienne... Regardez où nous en sommes aujourd’hui. Et maintenant, Ben Laden utilise aussi la religion... Les bonnes paroles peuvent déplacer des montagnes. Ou les raser. Dans notre arsenal, la religion est l’arme ultime, au-dessus de toutes les autres. Alors nous ne pouvons pas nous permettre de laisser qui que ce soit nous désarmer. Notre mode de vie, tout ce pour quoi vous combattez depuis que vous avez rejoint le Bureau tourne autour de ça... Tout ! Donc la question que je vous pose est simple : êtes-vous, comme votre président l’a un jour dit avec tant d’éloquence, avec nous... ou contre nous ?
Le visage de Reilly se durcit et il sentit sa poitrine se contracter. Le mur de doute qu’il avait érigé pour tenter de résister aux propos dérangeants de Vance venait d’être pulvérisé par la seule présence de De Angelis.
La personnalité même de l’homme et ce qu’il venait de dire étaient une détestable justification de tout ce que le professeur avait exposé.
— Donc tout est vrai ? demanda-t-il comme s’il émergeait d’un brouillard.
La réponse sèche et prompte de De Angelis jaillit.
— Est-ce que cela a la moindre importance ?
L’ecclésiastique scruta le sol nu autour d’eux.
— Je suppose que vous ne l’avez plus ?
— Quoi ?
— L’astrolabe.
— Comment savez-vous... ?
Il laissa la fin de sa question se perdre en comprenant que Tess et lui avaient dû être sous surveillance — au moins audio — constante. Il se tut et prit le temps de laisser sa colère s’apaiser. Puis, déprimé, il secoua la tête pour avouer :
— Ils l’ont.
— Vous savez où ils sont ?
A contrecoeur et se méfiant encore de l’homme d’Église, Reilly le mit au courant de ce qui était arrivé la nuit précédente.
L’ecclésiastique réfléchit.
— Ils n’ont pas beaucoup d’avance et nous connaissons globalement le secteur vers lequel ils se dirigent. Nous les retrouverons.
Il se tourna, leva une main et traça un cercle vers le ciel pour indiquer au pilote de rallumer les turbines jumelles.
— Partons, ordonna-t-il à Reilly.
L’agent du FBI ne bougea pas et se contenta de secouer la tête.
— Non. Vous savez quoi ? Si tout ça n’est qu’un vaste mensonge, j’espère qu’il vous balaiera tous.
De Angelis le fixa, déconcerté. Un moment, Reilly soutint son regard.
— Vous pouvez aller en enfer, dit-il, vous et vos copains de la CIA. Je suis hors jeu.
Sur ce, il tourna les talons et s’éloigna.
— Nous avons besoin de vous, lui cria l’ecclésiastique. Vous pouvez nous aider à les trouver.
Reilly ne se retourna pas.
— Trouvez-les vous-même. J’en ai assez.
Il
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