Le dernier templier

du globe. Chacune jurait détenir la vérité, et elles ne pouvaient toutes avoir raison ! Avec un certain sentiment de culpabilité, il dut bien s’avouer qu’il était disposé à rejeter les autres religions et à les considérer comme des délires collectifs.
    — L’un après l’autre, poursuivit Vance, les yeux fixés sur Tess, ces mensonges, ces inventions des pères fondateurs de l’Église s’effondrent. Cette mystification-là sera simplement la dernière à tomber. Rien de plus.

69
    Reilly s’était assis à l’écart, perché sur une paroi rocheuse en surplomb de la clairière où le pick-up était garé. Il avait regardé le ciel s’assombrir, dévoilant une lune et des étoiles innombrables, plus grosses et plus brillantes qu’il n’en avait jamais vu. Le spectacle aurait suffi à transporter l’âme de l’observateur le plus cynique. Mais à cet instant, il ne se trouvait pas dans la disposition d’esprit adéquate.
    Le 4 x 4 était à peine visible dans la pénombre, avec la silhouette fantomatique de Vance à côté. L’agent du FBI ne pouvait s’empêcher de ressasser la longue tirade du professeur. Il cherchait la faille qui lui permettrait d’abattre d’un coup cet édifice sordide. Mais il n’en trouvait aucune.
    Un éboulement de cailloux derrière lui le tira de sa rêverie. Il se tourna vers Tess, qui grimpait sur la crête pour le rejoindre.
    Elle se dressa au bord de la colline, s’imprégnant quelques instants du calme des lieux avant de s’asseoir sur le rocher près de lui.
    — Écoute, je suis... je suis désolée. Je sais que ces discussions peuvent être désagréables.
    — Décevantes, surtout.
    Elle le regarda, perplexe.
    — Tu es à côté de la plaque, continua-t-il. Tu prends quelque chose d’unique, d’incroyablement singulier, et tu le réduis à sa forme la plus grossière.
    — Tu veux que j’ignore les preuves ?
    — Non, mais les étudier sous cette lumière, décortiquer chaque détail, t’empêche de voir l’ensemble. Ce que tu ne comprends pas, c’est qu’il ne s’agit pas d’une question de preuves scientifiques. Il ne s’agit pas de faits, d’analyses ou de rationalisation. Il s’agit de ressenti. C’est une inspiration, un mode de vie, une fusion avec tout ceci, dit-il en ouvrant largement les bras.
    Il la fixa intensément un moment avant de demander :
    — N’y a-t-il rien en quoi tu croies ?
    — Ce en quoi je crois n’a pas d’importance.
    — Ça en a pour moi, insista-t-il vivement. Sérieusement, j’aimerais savoir. Tu ne crois en rien de tout cela ?
    Elle détourna le regard vers le pick-up et vers Vance, qui, en dépit de l’obscurité impénétrable, semblait avoir les yeux rivés sur eux.
    — Je pense que la réponse la plus facile pour moi est de dire que, sur ce sujet, je me trouve dans le camp de Jefferson.
    — Jefferson ?
    Tess hocha la tête.
    — Thomas Jefferson avait aussi des problèmes pour croire ce que disait la Bible. Même s’il considérait que le système éthique de Jésus était le plus beau que le monde ait jamais vu, il a fini par être convaincu qu’en essayant de rendre ses enseignements plus séduisants pour les païens, on avait manipulé ses paroles et son histoire. Donc il a décidé d’examiner la Bible et d’en extraire tout ce qu’il considérait comme inexact, en vue de séparer les vraies paroles de Jésus de ce qu’il appelait les « stupidités dans lesquelles elles étaient enfouies ». L’homme apparaissant dans le livre qu’il a écrit, Vie et Morale de Jésus de Nazareth , n’avait rien de l’être divin du Nouveau Testament : dans la Bible de Jefferson, il n’y a ni naissance virginale, ni miracle, ni résurrection. Juste un homme.
    Elle observa les yeux de Reilly, en quête d’un terrain commun où se retrouver.
    — Ne te méprends pas sur ce que je dis, Sean. Je crois que Jésus était un grand homme, l’une des personnes les plus importantes qui aient jamais vécu, un homme inspirant et inspiré qui a dit beaucoup de grandes choses. Je pense que sa vision d’une société altruiste où chacun fait confiance à son prochain et l’aide est une idée merveilleuse. Elle a inspiré beaucoup de bonnes choses... et elle le fait encore. Même Gandhi, qui n’était pas chrétien, disait qu’il agissait dans l’esprit de Jésus-Christ. Jésus était un homme exceptionnel, cela ne fait aucun doute. Mais il en allait de même pour Socrate ou