Le dernier templier
que vous et votre ami ayez échoué sur notre petite île. La mer est vaste par ici. Un peu plus au nord, vous auriez atterri sur la côte turque qui, dans ce secteur, est rocheuse et totalement déserte. Les villes sont de l’autre côté de la péninsule. Un peu plus au sud, vous auriez totalement raté notre île pour partir dans la mer Égée et...
Il leva les sourcils et hocha la tête d’un air entendu, laissant à Tess le soin de compléter.
— Je dois y aller. Je serai de retour cet après-midi.
La jeune femme regrettait qu’il s’en aille. Sa présence avait quelque chose de réconfortant.
— Il n’y a rien que je puisse faire pour l’aider ?
— Votre ami est en de bonnes mains. Mon épouse est une excellente infirmière. Et même si notre clinique ne ressemble pas aux hôpitaux auxquels vous êtes habituée en Amérique, croyez-moi quand je vous dis que nous avons beaucoup d’expérience concernant le traitement de toutes sortes de blessures. Même sur une petite île comme celle-ci, les gens se blessent.
Il s’interrompit, réfléchit un moment puis ajouta :
— Est-ce que vous lui avez parlé ?
— À lui ?
— Vous devriez. Parlez-lui. Donnez-lui de la force.
Son ton était presque paternel.
— Vous devez penser que vous êtes tombée sur quelque charlatan un peu sorcier d’un obscur trou perdu. Mais je vous assure que ce n’est pas le cas. De nombreuses études d’éminents professeurs soutiennent cette idée. Qu’il soit dans le coma ne veut pas dire qu’il n’entend pas. Cela signifie simplement qu’il ne peut pas répondre... Pas encore.
Il s’arrêta à nouveau, les yeux brillants d’optimisme et d’empathie.
— Parlez-lui... et priez pour sa guérison.
Tess laissa échapper un petit rire et détourna un regard plein de regret.
— Je ne suis pas très douée pour ça.
— À votre manière, même si vous ne vous en rendez pas compte, vous le faites déjà. Vous priez pour lui simplement en souhaitant qu’il guérisse... Beaucoup de prières sont dites à son intention.
Le médecin tendit le doigt vers une petite chapelle, de l’autre côté de la rue. Tess put voir quelques autochtones se saluant à sa porte, certains entrant, d’autres sortant.
— Beaucoup d’hommes sur cette île vivent de la mer, continua-t-il. Il y avait quatre bateaux de pêche en mer la nuit de la tempête. Leurs familles ont prié Dieu et l’archange saint Michel. Maintenant, de nouvelles prières sont dites. Des prières d’actions de grâce. Et des prières pour la guérison de votre ami.
— Ils prient pour sa guérison ?
— Nous le faisons tous.
— Mais vous ne le connaissez même pas.
— Cela n’a aucune importance. La mer nous l’a amené. Il est de notre devoir de le soigner et de le guérir pour qu’il puisse poursuivre sa vie.
Il monta dans sa voiture.
— Maintenant, je dois y aller.
Avec un petit signe de la main et un dernier regard, il partit en franchissant des mares boueuses et disparut au bas de la colline.
Pendant un moment, Tess le regarda s’éloigner. Elle tourna les talons pour regagner la maison, puis hésita. Elle ne pouvait se souvenir de la dernière fois qu’elle était entrée dans une chapelle, une église ou tout autre édifice religieux — sauf pour son travail et, naturellement, pendant le bref épisode de son passage dans l’église calcinée de Manhattan. Traversant en pataugeant la rue trempée, elle franchit la petite cour de cailloux, poussa la porte et pénétra à l’intérieur.
La chapelle était à demi pleine. Assis sur de vieux bancs usés par les ans, des fidèles étaient plongés dans leurs prières. Tess resta au fond et regarda autour d’elle. La petite église était toute simple avec ses murs blanchis à la chaux recouverts de fresques du XVIII e siècle. La lueur de dizaines de cierges l’éclairait. Faisant le tour du sanctuaire, elle remarqua une alcôve qui contenait des icônes de saint Gabriel et de saint Michel ornées de pierres précieuses. Une étrange sensation envahit la jeune femme, transportée par la lueur des bougies tremblotantes et les murmures étouffés. Elle ressentit un soudain élan vers la prière. Cette idée la mit mal à l’aise et elle la refoula, convaincue que prier serait parfaitement hypocrite.
Elle s’apprêtait à s’en aller quand elle remarqua les deux femmes qui, la veille, lui avaient apporté la nourriture et les vêtements. Deux hommes les
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